DEDICACE
A vous, frères et
sœurs, qui luttez sincèrement, d’une façon ou d’une autre, pour la paix et la
prospérité des peuples africains,
Je dédie ce travail.
AVANT-PROPOS
Nous serions ingrat, si
nous ne présentions pas nos remerciements à tous ceux qui, d’une manière ou
d’une autre, nous ont soutenu et aidé tout au long de notre formation.
Nous remercions en
premier lieu nos parents et toute notre famille. Ce que nous sommes, nous le
devons, en majeure partie, à eux.
Nous devons également
une grande reconnaissance à tous ceux qui se sont investis pour assurer notre
formation humaine, intellectuelle, chrétienne et religieuse. A tous et à
chacun, nous disons merci de tout cœur.
Notre gratitude va au
professeur Théotime KIBANGA, qui, avec générosité, a dirigé ce travail.
Nous faisons part de
notre reconnaissance à la communauté des Pères Assomptionnistes de Kinshasa.
Qu’elle trouve ici l’expression de notre gratitude pour les multiples services
qu’elle nous a rendus.
EPIGRAPHE
«Si le Seigneur ne bâtit la maison,
en vain peinent les bâtisseurs» (Ps 127, 1)
SIGLES
C-A : Congo-Afrique
C.E.C. : Catéchisme de l’Eglise Catholique
CENCO : Conférence Episcopale Nationale du Congo
C.E.Z. : Conférence Episcopale du Zaïre
D. R. : Lettre encyclique Divini
redemptoris
E.N. : Exhortation post synodale Evangelii nutiandi
E.V. : Lettre encyclique Evangelium Vitae
G.S. : Constitution conciliaire Gaudium et Spes
P.P. : Lettre encyclique Populorum progressio
P.T. : Lettre encyclique Pacem in Terris
P.U.F. : Presses Universitaires de France
R.D.C. : République Démocratique du Congo
S.R.S. : Lettre encyclique Sollicitudo Rei Socialis
INTRODUCTION
GENERALE
1. Problématique
«L’attention à la vie, quand elle n’est pas
soutenue par un effort de pensée aussi rigoureux que possible, risque de n’être
que de la myopie »[1].
De
nos jours, le continent africain se heurte à de nombreux problèmes politiques,
économiques et sociaux. Des attitudes de discrimination, de haine, de luttes
fratricides entre les ethnies, de rivalité, de phénomène-réfugié, de formes
d’esclave et de colonisation nouvelles font le défilé quotidien dans la réalité
politique, économique et sociale[2].
Notre
pays, la République Démocratique du Congo, n’en est pas épargné. «Il est vrai
que les coups d’Etat, la dictature, les tortures, les arrestations, les
assassinats et massacres, les guerres à répétition, la corruption généralisée
et les promesses fallacieuses comme modes de gestion de la société sont
qualifiés de violences institutionnelles»[3].
Ces actes de violence mettent en péril l’unité, la sécurité, la concorde
nationale pour déstabiliser, opprimer et tuer des populations innocentes.
Entre-temps,
le peuple congolais est resté plongé dans une misère indescriptible et dans un
cycle infernal de violences organisées, suggérées ou tolérées par les
dirigeants politiques et les pouvoirs publics. Outre cela, on peut citer la
médiocrité des services publics de l’Etat. Elle a constitué un type de violence
à travers les institutions, pour entretenir la «mort lente» de l’autre. On
assiste à une véritable inversion des valeurs, entraînant une détérioration des
conditions de vie.
Comment,
aujourd’hui, en face du monde séculier, l’Eglise peut-elle exercer une
influence évangélique sur la totalité de la société ? Comment vivre de
Dieu, selon le Christ, dans les conditions culturelles, politiques, sociales et
économiques du XXIe siècle ? Comment comprendre cette situation de
tension, d’ethnicisme, d’exclusion et de violence entre nous alors que nous ne
cessons de proclamer la solidarité, l’hospitalité comme des traits
caractéristiques du monde culturel africain ? Comment comprendre et vivre
cet état de choses dans un pays comme le nôtre où l’on compte un très grand
nombre des chrétiens ?
La
conscience chrétienne se trouve blessée par cet état de choses qui se révèle tout
à fait contraire au message du Christ et à la vie qu’il préconise. L’Eglise y
trouve en même temps une interpellation pour elle-même et pour tous les hommes de bonne volonté. Les chrétiens ne
doivent pas démissionner ni rester indifférents face à cette situation qui
contrarie la réalisation du bien-être des hommes ; bien au contraire, ils
doivent prendre part au combat à mener pour la justice, la promotion et la défense
de la dignité humaine, engagement basé sur les exigences de leur foi en Jésus,
«salut-de-Dieu» offert aux hommes. Mais quelle place doit-elle occuper ?
Comment et quoi faire ? Voilà l’interrogation qui nous préoccupe ici.
Vu
cette situation qui rend compte du manque de convivialité humaine et sociale au
sein du peuple congolais, nous voulons savoir en quoi notre foi chrétienne peut
nous aider à contribuer aux efforts pour un nouvel ordre politique et pour un
changement positif des mentalités :
«la transformation du monde dans
l’esprit de l’Evangile, qui implique un effort persévérant et toujours repris
de fraternité humaine (…) ; ce ne peut être qu’avec les moyens spécifiques
de Jésus Christ : la prière, les sacrements, le témoignage d’une existence
individuelle et collective nourrie de la foi»[4].
2. Intérêt du sujet
L’intérêt
qui a commandé le choix de ce sujet est le contexte actuel où nous sentons le
besoin de reconstruire notre pays. Le poids de la réalité conflictuelle dans
notre pays, secteur de vie à changer aussi, nous a poussés à axer notre travail
sur ce thème de reconstruction qui comporte non seulement le matériel mais aussi l’humain. La convivialité est donc un atout de cette
construction.
3. Méthodologie et
délimitation du sujet
En
analysant la situation socio-politico-économique du Congo de 2000 à 2012, notre
travail se subdivise dès lors en deux chapitres. Dans le premier chapitre, nous
essayerons de dégager les exigences du pouvoir politique et sa signification
pour un environnement politique acceptable et voir comment il peut permettre la
prospérité d’une société.
Le
dernier chapitre essayera, dans un premier volet, de montrer comment le recours
à la foi par les chrétiens du Congo peut leur permettre de contribuer
efficacement à l’instauration d’une nouvelle structure basée sur les valeurs
chrétiennes. Les chrétiens pourront amener le peuple à se constituer lui-même
l’acteur de sa propre destinée et de son propre développement. Ils pourront le
mobiliser en vue de se doter de la culture de la convivialité.
Dans
le second volet de ce dernier chapitre, nous présenterons quelques exigences
éthiques pour bien gérer le pays.
Chapitre I : LA
POLITIQUE, SA SIGNIFICATION, SES TÂCHES
I .0. Introduction
partielle
Dans ce
chapitre, nous allons montrer la signification de la politique et ses tâches au
sein d'une communauté. Pour cela, nous allons d'abord cerner l'importance du
politique dans une société, en analysant certains éléments-clés de la structure
politique grecque. Ensuite, nous présenterons les rapports politiques, le bien
commun, le pouvoir et droit comme des impératifs pour permettre l'éclosion du
dynamisme chez les citoyens. Celui-ci est nécessaire à la vie politique d'une
société. Car habités par ce dynamisme, les citoyens donnent sens à leur
existence politique, s'investissent pour construire eux-mêmes leur pays.
I .1. Notion de
politique
I .1.1. Définition
La politique «
désigne donc l'activité qui organise et gère une cité (polis), plus généralement une
collectivité dont les membres font corps, par entente tacite ou explicite, dans une destinée commune »[5]. Par
les mots mis en italique dans cette définition, nous voulons souligner que
l'idée d'association est
essentielle. On peut y entrevoir le caractère intentionnel de la société : les
membres font corps. Nous allons l'élucider davantage à l'aide de quelques
éléments repris de la structure politique de la Grèce antique. Pour la
précision, nous allons utiliser « le politique » pour désigner le
domaine politique, et « la politique »
au sens que nous en donnons ci-haut.
I.1.2. Quelques
éléments de la structure politique
grecque
En nous appuyant
sur TOUCHARD et ses collaborateurs, nous
trouvons que la vie politique grecque antique s’était dotée d’une structure politique riche dont les éléments nous permettront de cerner l’importance et
les tâches du politique dans une communauté. A présent, gardons-en vue l’idée
d’association. De ses éléments, nous
avons :
I.1.2.1 La polis
La vie politique
des Grecs dans l’antiquité classique était conditionnée par l’existence de la
« polis », la cité qui jouait
dans l’univers politique le même rôle que jouent nos Etats modernes aujourd’hui. La seule différence restant la référence
permanente aux dieux pour la
conduite des affaires de la polis et la non jouissance de la
citoyenneté par l’esclave. Celui-ci était hors de la réalité politique dans la cité grecque ; il
n’existait pas politiquement[6],
attestent Touchard et ses collaborateurs. La cité commandait la nature des rapports internes et externes.
Elle exerçait, disent-ils, une emprise réelle sur les
citoyens de façon que ces derniers
s’investissaient beaucoup pour contribuer à son bonheur, pour l’embellir ou la célébrer par leurs activités, leurs créativités
artistiques, philosophiques, littéraires. La cité est donc «la protectrice des
individus contre l’individualité elle-même ; elle est l’hyperorganisme
délivrant les hommes de la tyrannie de leur organisme individuel qui a la
prétention de leur donner le critérium du vrai et du bien. La cité doit être le
salut terrestre de l’homme»[7].
De cela
retenons ici la polis comme espace propice de la vie sociale où les citoyens pouvaient se réaliser. Elle
constituait un cadre pour canaliser les
forces sociales vers la prospérité de la société, grâce aux bons rapports entre
les citoyens qui étaient en harmonie
entre eux et mobilisés pour la cause de la polis.
Par rapport à
l’Etat, l’équivalent de la polis, la tâche politique doit être celle de
transformer le pays en un espace propice où les hommes puisent se réaliser, s’intégrer, en le dotant
des structures appropriées.
I.1.2.2. La loi
La nécessité de se doter des lois pour établir l'ordre s'était fait
sentir chez les Grecs vers le 7ème
siècle, suite à la lutte des classes. Les politiques et les philosophes
montraient que la loi et le respect de la loi étaient le seul garant d'une vie
politique saine. Leurs idées ont ouvert une nouvelle perspective dans la
conception de l'ordre qui devait régner entre les citoyens. Plus tard, le
triomphe de la loi dans la mentalité grecque est revenu irrécusable ; elle
était devenue quelque chose de spécifique à eux[8].
La loi, atteste Monseigneur MONSENGWO, avait acquis un triomphe tel dans
la vision politique grecque que dans son évolution sémantique et noétique, elle
a été un moment synonyme de polis, la cité dont le gouvernement est
réglé par la politique (politikè).
Personne n'ignore que, malgré la contrainte qu'elle exerce, la loi
contribue à -réglementer les rapports sociaux en vue du bonheur de tous. La politique a ce devoir de régler ces
relations sociales entre les individus, à leur indiquer la conduite à suivre au
sein d'un Etat. Cela reste, encore aujourd'hui, le bien-fondé de la loi. Une
politique anomique, poursuit Monseigneur MONSENGWO, n'en est pas une[9].
Aujourd'hui, la culture de la loi, la loi écrite, est une chose recommandable à
nos sociétés, à nos dirigeants, pour souligner son importance. Dans ce domaine,
la tâche politique est donc celle de créer l'harmonie par la loi. Car sans
lois, c'est l'arbitraire, l'injustice, l’anarchie, l'oppression... qui règnent.
«Le but essentiel du législateur doit être d’assurer la stabilité et la
permanence des lois de façon à guérir la cité de la corruption du devenir»[10].
I.1.2.3. Démocratie-égalité-liberté
Suite aux
déséquilibres sociaux qui ont surgi dans les cités grecques, la nécessité de se
doter d'une structure politique démocratique s'est faite sentir également. Pour
les Grecs, la démocratie était conçue comme gouvernement du peuple par
opposition à la tyrannie, à la monarchie
et à l'oligarchie. Deux éléments la caractérisaient :
-
Attachement
à l'égalité. D'où les termes isonomia, isegoria et isocratia pour
souligner qu'est démocratique un Etat où
la loi est la même pour tous (isonomie), égale aussi la participation aux
affaires (isegoria), au pouvoir (isocratia).
-
Tendance
morale. Dans le système démocratique grec, l'égalité devait servir de barrière
contre l'abus de la force (hybris) et les appétits excessifs (pléonexie)[11]. Ainsi
le système démocratique des Grecs s'était-il dosé de quelques harmoniques
morales.
Etre libre pour
eux c'est ne plus être esclave de qui que ce soit ni de quoique ce soit. Le
contenu politique de cette liberté n'excluait pas la dépendance vis-à-vis de la
loi. La liberté aura cette ambivalence : liberté par la loi, mais sujétion à la
loi. La liberté et l'égalité sont la raison même d'être de la politique. Le
souci de l'égalité et de la liberté de tous dans un pays s'est manifesté pour
répondre à un besoin : échapper à la mort. Il a débouché sur la découverte d'un
système, le moins mauvais jusque là, la démocratie. Cela étant, la politique
apparaît comme une action qui vise à sauvegarder la liberté des individus, à
préserver l'égalité entre eux.
I.1.2.4. Les idées de la justice et du
bonheur
Il n'y a pas de
doute que la pensée politique grecque a été enrichie par les philosophes. Nous
allons nous limiter à Platon et à Aristote. L'idée de la justice est soulignée
par Platon. Il conçoit une société hiérarchisée et unifiée à la fois. Cette
double exigence naît de son expérience de voir les divisions dans la cité de
son temps. Ce sont ces divisions qui l'amènent à concevoir une cité qui soit
une, politiquement et moralement. Pour combiner l'exigence de l'unité et la
donnée de la diversité, il est nécessairement amené à concevoir une sorte
d'unité fonctionnelle, où chaque partie différenciée comme un organe jouerait
son rôle séparément, mais dans l'intérêt commun[12].
D'où une cité en classes : les philosophes, les soldats et les esclaves. Platon
veut, d'une part soustraire la politique
à l'empirisme pour la lier à des valeurs éternelles que seuls les
philosophes peuvent connaître, et
d'autre part il prône que la politique doit se mesurer seulement à l'idée de la justice qui n'est rien
d'autre que le vrai ou le bien appliqué au comportement social. «Le gouvernement
de la cité idéale sera assuré par les philosophes parce qu’eux seuls
connaissent le vrai et le bien »[13].
Pour Platon, seule la référence à la justice permet d’exclure
les points de vue de l'utilité, de l'intérêt ou de la convenance qui
dominaient les manœuvres politiques des aristocrates. Ce qui compte chez
Platon, c'est la justice et les valeurs comme référence.
Si Platon
conçoit une cité juste, Aristote, lui, cherche à établir une cité heureuse. Aristote
modèle les formes politiques sur la diversité du social et essaie de dépasser
la vanité des formules politiques trop tranchées, trop systématiques ou trop
abstraites employées par Platon. Contre Platon, il affirme que la supériorité
dans l'ordre de la vertu ne
crée pas un droit à commander et à régner en maître. Au nom de la diversité, il
ne faut pas oublier l’individualité. Ce qui compte pour Aristote, c'est le
bonheur : «tout le monde donc, le commun des hommes comme les esprits
cultivés, s’accorde pour admettre que le but le plus élevé de la pratique,
c’est le bonheur»[14].
Ces éléments de
la structure politique de la Grèce antique sont d'une importance capitale. La
tâche du politique est de rendre justice et de travailler pour le bonheur
individuel et collectif. En plus, les valeurs doivent servir de norme de
référence de l'agir politique pour faire du pays un espace propice où les
membres peuvent vivre égaux et libres socialement et politiquement. Ces
éléments contiennent l'essentiel de la tâche politique. Si l'on s'organise
politiquement, c'est pour que les hommes vivent dans la justice à tout niveau,
pour qu'ils atteignent le bonheur dans la mesure du possible. La loi, les
rapports d'égalité et de liberté entre les hommes sont fonction de la politique
en tant qu'ils permettent d'atteindre ce but. La politique a aussi la tâche d'inventer
constamment l'Etat : «l’homme est un animal politique, une âme douée de
raison»[15].
Mais alors, si
pour le politique, l'idée de communauté ou d'association apparaît essentielle,
cependant la particularité des communautés politiques se caractérise par la
nature des liens qui unissent chaque fois les membres et par le type de
hiérarchie qu’elles intègrent, nous dira-t-on. De ces liens, nous allons
présenter quelques-uns. La qualité détermine la qualité de la vie dans une
société. Cela montre que la société comporte une dimension intentionnelle. Pour
la construire, les hommes s’y investissent par volonté. Nous sommes donc amenés
à parler des rapports politiques.
I.2. Les rapports
politiques
Qu’entend-on par
rapports politiques ? Pour une bonne compréhension, il convient de dire ici un
mot sur ce que sont les rapports politiques. C'est une réalité qu'on ne peut
pas toucher matériellement. Essayons de la présenter en partant de sa
nécessité. Les hommes, quand ils se décident de constituer une communauté
politique, nouent entre eux des rapports ou des relations. La théorie de
contrat de J. J. ROUSSEAU le montre bien, quand elle stipule que l'homme quitte
un état naturel pour adopter un état politique. En adoptant ce nouvel état,
l'homme entre dans des nouvelles relations, les relations politiques. Sans ces
relations, les individus seraient sans liens, dans l'indifférence absolue ou la
violence perpétuelle. D'où la nécessité des liens entre eux. Ces liens seront
un mode d'exister d'un individu envers l'autre, au sein de la communauté
politique.
Les liens
politiques créent une certaine détermination de la part des membres liés,
chacun à l'égard de l'autre et de lui-même. Grâce au dynamisme et à la volonté
que requièrent ces rapports ou liens, les individus arrivent à se constituer en
une communauté politique socialement organisée où le bien commun joue à la fois
le rôle de vecteur principal et de mobile . Le bien commun se trouve être la
fin poursuivie. Nous allons prendre en considération les liens de la
reconnaissance et du bien commun.
I.2.1. La reconnaissance
La situation de violence permanente, de
force, nous disent les théories politiques contractuelles, a amené les
individus à poser la nécessité de relations ou rapports politiques : pour leur
protection, leur sécurité, leur survie. La politique est apparue comme pour
neutraliser cette violence ; d'où le rôle de l'Etat que Max Weber énonce comme
celui de s'approprier pour lui-même et contre les groupes ou les individus l’exercice
de la violence physique en la légitimant sous des lois[16].
Assurément ce rôle de l'Etat reste valable aujourd’hui.
Le rapport politique vient limiter ces individus d'une part et protéger les
libertés des gens contre les caprices et passions des autres : c'est un premier
moment, le moment contractuel. Ce moment est dépassé par un deuxième : protéger ma liberté par le
politique me fait découvrir autrui comme
égale liberté. Je dois arriver à
trouver en l'autre un partenaire. Il n'est pas uniquement cet autre contre qui je dois me défendre; je
dois arriver à voir en lui un compagnon de route. Ce deuxième moment, moment de
rencontre entre libertés, rend possible un rapport politique fondamental, où
s'amortit la violence. On se reconnaît.
A quoi sert
cette reconnaissance ? Politiquement parlant, cette reconnaissance de même
liberté, au même titre que moi-même, me fait quitter l'état de violence ou
l’état de nature, qui dans la perspective de Thomas HOBBES est « l'enclos où
l'homme est un loup pour l'homme »[17],
pour entrer dans l'état de société où je puis vraiment rencontrer autrui avec
ses droits. Non seulement je reconnais l'autre comme sujet de droits
inviolables, mais encore je découvre le vrai sens de ma liberté. Je respecte
ces droits et je prends des engagements
pour le laisser jouir d'une vie meilleure. Au fond, nous dit Georges BURDEAU,
le premier moment correspond à la liberté individuelle ou fondamentale qui est
antérieure (absence de contrainte physique et spirituelle) et le deuxième, à la
liberté politique[18].
Ce rapport de
reconnaissance permet aux hommes d'une même communauté de cohabiter, de mener
une vie ensemble arrachée à la lutte, à la mort. Il permet le respect mutuel des droits, car on s'accepte comme
partenaires au sein d'une communauté. Il traduit une dynamique de tolérance, de
respect de l'autre, de ses droits fondamentaux. Au niveau des individus, cette
reconnaissance doit alors être promue par le pouvoir. Celui-ci doit créer des
conditions favorables à travers les lois et les institutions. Concrètement la
tâche du politique, à ce niveau, est celle de trouver et de formuler des principes de conduite politique, sociale,
économique qui soient traduits dans des termes de lois : code de
justice, code pénal, de travail, tribunaux...Ce rapport de reconnaissance doit
être manifeste et réciproque, non seulement entre les citoyens, mais encore entre
la communauté et l’individu. C'est pourquoi, à cause de cette double réciprocité, les individus
doivent tisser un autre rapport : le rapport du bien commun.
I .2.2. Le bien
commun
Le rapport de
reconnaissance ne suffit pas. Le politique n'a pas que la tâche de produire une
législation pour protéger les gens les uns contre les autres. Une communauté
politique doit viser aussi l'épanouissement de ses membres. Le bien commun
comme rapport politique amène les membres de la communauté, les gouvernants et
les gouvernés, à mener des actions socialisantes et humanisantes au sein de
leur pays. Ce rapport traduit des sentiments de solidarité entre les membres et
de responsabilité vis-à-vis de leur communauté. Le bien commun est la finalité
de leurs efforts. La notion de bien commun est essentielle à l'existence
politique d'une communauté; il importe de l'approfondir.
Nous venons de
présenter le bien commun comme un rapport politique fondamental. Il est plus
que cela. Maintenant nous allons voir brièvement sa portée politique. Comme
nous venons de le dire plus haut, il est la finalité du politique. En plus, il
garantit la dignité humaine et stimule le nationalisme chez les membres. Il est
aussi un principe régulateur de la décision en tant qu'il est finalité du
politique.
I .2.2.1. Bien commun, garantie de la
dignité humaine
Le bien commun
n'est pas un but en soi. Sa raison d'être, c'est l'être humain. Il n'a de sens
que par rapport à l'épanouissement des membres de la société, nous dit Romain
LUHANGU-SWA-MUTEBA[19].
Dans son travail de fin d'études, l'étudiant LUHANGU-SWA-MUTEBA s'attelle à
montrer que là où l'on perd de vue le bien commun, la dignité de l'homme est
violée, et par le fait même son épanouissement constamment menacé. Nous sommes
tout à fait de son avis. Dans ce sens, le bien commun exige du pouvoir
politique une attention toute particulière portée à l’homme. On ne saura le
réaliser sans voir les valeurs, dit le pape Jean XXIII (P T n°57).
I. 2.2.2. Bien commun et conscience
politique
Garantie de la
dignité humaine, il incombe aux responsables politiques et aux gouvernés de
déceler ce bien commun. Que tous concentrent leur effort pour l'atteindre et le
préserver. C'est un but, affirme Georges BURDEAU, vers lequel tendent désormais
toutes les forces individuelles, socialement organisées, lequel s'actualise en
un certain nombre d'objectifs précis[20]. La
sollicitude, que doivent manifester les citoyens et les dirigeants pour
sauvegarder le bien commun, traduit leur état de conscience politique. D'où ils
développent un sens de responsabilité et un certain comportement civique dont
on peut déceler certains critères :
-
Le
respect du bien commun. Tout le monde s'engage à le préserver, chacun à son
niveau.
-
Le
bien commun exige certains actes des individus et leur en interdit d'autres; de
la part de l'Etat, il doit servir de loi suprême de son activité[21].
La conscience
politique suppose la conscience du but social que tous auront acquise. Le
comportement qui s'ensuit est celui de l'obéissance, de la discipline envers le
bien commun. La conscience du but social est une étape très importante de la
conscience politique. Un pays dont les membres ont pris conscience de la
nécessité de préserver le bien commun et qui, par conséquent, ont ordonné leur
conduite tant individuelle que sociale dans le sens de le sauvegarder, est un
pays politiquement développé. C'est un pays riche même si, matériellement, il
est moins nanti. Car le bien commun est alors le vecteur, un mobile qui pousse
les gens à l'édifier de tout cœur.
I .2.2.3. Bien commun, principe régulateur de
décision
Un autre aspect
du bien commun est celui d'être un principe de décision morale. Dans les
cas délicats où l'on ne sait pas quelle option il faut prendre, le bien commun
pourra servir de référence. Le choix est guidé par le bien commun. Parler du
bien commun, dit le Père VALADIER renvoie à un désir de vie commune, et à un
désir de fonder une organisation sociale humaine, donc éthique[22]. Ce désir de vie commune doit sous-tendre tout
échange social fructueux surtout en cas de décision délicate. On peut éviter le
pire, si l'on s'accorde à un désir de vie commune. Nous percevons là encore le
caractère intentionnel de la constitution ou construction d'une communauté
politique digne. Rien ne se fait, ne se construit fatalement. Les
discriminations dans les relations que les groupes ont entre eux, relèvent de
leur responsabilité. Nous partageons le point de vue du Père VALADIER qui
déclare a contrario :
«
Quiconque veut une vie sensée, pour lui-même et pour son groupe, est conduit
aussi à vouloir ordonner humainement l'ensemble des relations sociales, et par
conséquent à vouloir adopter une perspective éthique, qui, sans écarter les
lectures scientifiques du social, s'inscrit comme instance apte à saisir des éléments
essentiels à l'existence sociale humaine»[23]
.
Si nous
reconnaissons le caractère intentionnel de la constitution de la société, nous
noterons cependant qu'il n'y a pas que cela. Ce n'est pas de l'intentionnel
coupé du spirituel. Prenons un exemple. Quand Laurent Désiré KABILA menait la
guerre contre Mobutu, le gouvernement Kengo, coincé, dans l'incapacité de
supporter la guerre, a sollicité, sans vergogne, l'effort de guerre auprès des
Kinois clochardisés par ce même gouvernement. Les femmes et les autres gens,
pas nécessairement nantis, ont fait un acte de sacrifice ultime en donnant le
peu qu'ils pouvaient avoir en vue du bien commun du pays.
Au nom du bien
commun, ils se sont donnés. Peut-être l'exemple paraît banal. Bien sûr nous ne
concluons pas que cet acte prouve que les femmes ont toujours servi le bien
commun. En tout cas, nous voulons indiquer que préserver le bien commun ne peut
se faire sans le moindre sacrifice des citoyens. Cela exige de chacun une
certaine disposition spirituelle, une ascèse.
La notion du
bien commun n'est pas fixiste. Selon le Père VALADIER, elle est liée à celle
d’auto-engendrement ou genèse de la société. Elle englobe les conditions
rigoureuses grâce auxquelles une société (une famille ou une nation) se rend
plus humaine; elle pose les éléments formels à prendre en compte pour que cet
auto-engendrement ait lieu[24].
I. 2.2.4. Contenu du
bien commun
Le bien commun
comprend « l'ensemble des conditions de vie sociale qui permettent aux hommes,
aux familles et aux groupements de s'accomplir plus complètement et plus
facilement» (G.S. n°74 §1). Il renferme trois catégories ou trois impératifs :
-
L'ensemble
des richesses d'un pays (une communauté, richesses publiques et privées,
richesse en énergie, infrastructures et ressources humaines) ou bien de la
communauté.
-
L'ensemble
des valeurs morales, religieuses, modes de vie auxquels les citoyens d'un pays
donné ont droit à la communauté de bien.
-
Et
le bien de la communion qui crée la cohésion, au nom duquel, on peut déceler
dans le présent et engendrer de nouveaux rapports sociaux[25].
En quoi consiste
la portée politique du bien commun ? C'est en tant qu'il garantit la dignité
humaine, en tant qu'il promeut la conscience politique du peuple et en tant
qu'il fonctionne comme principe régulateur dans les décisions politiques qu'il
est très important. Point n'est besoin de démontrer que tout pouvoir digne doit
le promouvoir, veut permettre aux hommes et à leur société de s'accomplir.
Retenons que de
ces deux rapports politiques fondamentaux dépend la qualité de vie des
personnes et de la société. Plus la qualité de ces rapports est bonne, plus on
tend vers plus de prospérité. On peut les distinguer l'un de l'autre; le second
rapport est toutefois le sommet du premier. Ils sont à la fois le lien et le
terme de tous les liens qu'on peut tisser dans la société, dira CALVEZ[26]. Ces rapports président à l'autodétermination
que poursuit normalement une communauté politique dans l'histoire[27].
Ils engendrent
un dynamisme qui porte les membres à se constituer en acteurs acharnés de la
communauté; chacun la prend comme sa chose et s'y investit de cœur et d’âme.
Pour qu'ils soient effectifs, il faut du pouvoir qui suppose l'idée du droit.
C'est pourquoi nous allons voir en quoi le pouvoir est utile dans la formation
de ces deux rapports politiquement significatifs.
I .3. Le pouvoir et
le droit
I .3.1. Le pouvoir
pour organiser la vie sociale
Si, pour une
bonne organisation d'un pays et une bonne participation de chacun à
l'édification de ce pays, il est impérieux que les membres se dotent de
sentiments de reconnaissance mutuelle et des sensibilités au bien commun, il
lui faut pourtant du pouvoir. Le rôle du pouvoir se manifeste en tant que moyen
pour servir la société. Le pouvoir politique, nous dit BURDEAU, c'est ce par
quoi une société, une fois fondée par la solidarité des membres les uns à
l'égard des autres, pourra vivre et devenir une réalité historique; c'est la
force d'impulsion qui déclenche le mouvement en vue duquel est agencé
l'organisme social. Le pouvoir rend tangibles et concrètes aux membres l'unité,
la fin et les limites de la société[28]. Claude BRUAIRE souligne le rôle coordinateur
du pouvoir. Pour lui, le pouvoir coordonne les rapports sociaux, pas de
n'importe quelle manière, mais en vue de l'unité des gens: « c'est lui
(c'est-à-dire le pouvoir), et lui seul
en effet, qui fait exister et subsister tous les rapports sociaux, c'est lui et
lui seul qui assure leur coexistence et leur coordination, par quoi advient et
se maintient l'unité nécessaire à l'existence d'une société »[29].
I .3.2. Le pouvoir
au service des droits
En soi, le
pouvoir est conçu comme une force. Mais une force au service des droits. Le
pouvoir politique n'a de sens que parce qu'il est normalement ordonné à assurer
les droits aux sujets. Sa première fonction est en ce sens d'assurer la
justice. Pour cela, il doit établir des conditions pour faire cette justice,
doit garantir aux citoyens les conditions réelles de leur liberté dans la
société en leur donnant partout des droits effectifs[30]. Il
ne doit donc pas s'exercer aveuglement. D'où l'exigence d'une constitution
adaptée, des décisions politiques qui répondent aux vrais besoins des gens.
I. 3.3. Le pouvoir
et les dirigeants
Il importe de
dire un mot sur les dirigeants. La mauvaise compréhension qu'ils ont souvent du
pouvoir engendre beaucoup de maux sociaux. Tout d'abord le détenteur du pouvoir
doit se comporter comme un serviteur. Le pouvoir, comme on le dit, appartient
au peuple; c'est lui le souverain. Les dirigeants, - le mot le suggère -,
doivent diriger, orienter les actions de l'Etat.
Et Gaston
FESSARD de déclarer : le pouvoir dans les mains d'un prince ou d'un chef ne
peut pas servir à n'importe quelle fin; sous peine de se nier, leur autorité
doit viser à la croissance du corps social24. De toutes les façons
pour éviter les bévues et les comportements arbitraires des gouvernants, le
pouvoir doit appartenir à l'Etat et non aux individus, ni non plus à un parti
politique. Cela permettra non seulement de le dépersonnaliser, de dissocier de
l'arbitraire les décisions ou les mesures politiques, mais aussi de canaliser
les forces sociales, de créer chez les citoyens des sentiments civiques et
patriotiques.
Le rapport entre
dirigeant et pouvoir ainsi défini, celui-ci demeurera présent, prévisible et
situé dans un cadre institutionnel même si le détenteur actuel venait à mourir.
En plus, avec un tel pouvoir, les gens sont motivés pour les choses de l’Etat[31].
L'on comprend pourquoi le pape Jean XXIII parle de l'autorité comme une qualité
que doit avoir le détenteur du pouvoir et non un aspect du pouvoir comme tel :
« Etant au service de la communauté, à la recherche du bien commun, dit-il, le
détenteur doit avoir l'autorité; son action doit être efficace. Elle sera donc
soumise à la loi pour être raisonnable, et sa force impérative lui viendra de
l'ordre moral qui repose sur Dieu » (PT n°47).
I .4. Conclusion
partielle
Au regard de ce
que nous venons de voir dans ce chapitre, le politique n'est pas un domaine de
la fatalité. Si les hommes continuent à s'imposer de dures épreuves en
politique, ce n'est pas parce qu'il est voué à la malédiction. C'est un domaine
tout à fait à créer continuellement, laissé à la responsabilité de l’homme. Il
lui faut du bon sens et de l'amour envers ses prochains. C'est un domaine que
les hommes peuvent bien organiser en vue de leur bien-être, si seulement ils
respectent la loi, pratiquent la justice, tissent entre eux de bons rapports,
valorisent le bien commun. Il suffit de tout cela et du pouvoir exercé suivant
sa fin pour que naissent, de la part des citoyens, le dynamisme et la
détermination de fonder une communauté politique de convivialité. La tâche
politique est ordonnée à la cohabitation. Il relève de leur bon vouloir, même
s'il faut tout de même concevoir une dimension spirituelle de la part des
hommes. Vatican II ne nous dit-il pas que la politique est un domaine qui
requiert de la charité ? (cf. G. S n° 75, § 6).
Chapitre II: FOI
CHRETIENNE ET ENGAGEMENT POLITIQUE AU CONGO
II. O. Introduction
partielle
Au premier chapitre,
nous avons essayé de donner la signification et les tâches du politique dans
une communauté. Après avoir donné la définition, nous avons pris les éléments
de la structure politique grecque à partir desquels nous avons fixé la tâche du
politique comme étant ordonné à établir la justice, et de réaliser le bonheur,
de sauvegarder la liberté des gens et de créer l'harmonie sociale. Les notions
de rapports, de pouvoir et droit, de bien commun, par contre, nous ont aidé à
montrer le caractère intentionnel de la constitution de la société. Sa
réalisation est essentiellement fonction du facteur humain qui en est aussi la
fin. Cela nous a permis de saisir la politique non pas comme une œuvre qui se
déroule entre les mains des puissances invisibles et dont l'homme n'aurait
nulle prise. Ce n'est pas un domaine voué à la fatalité ni hors de la portée de
l’homme. C'est un type d'homme nouveau qu'il convient de trouver pour cette
tâche car, en soi, elle n'est pas mauvaise.
«Le Congo est une nation à majorité
chrétienne. Nous sommes contents de ce que beaucoup de nos frères et sœurs
s’engagent dans diverses activités chrétiennes : célébrations liturgiques,
engagement pastoral, groupes de prière, activités de développement, …Mais chez
la plupart de ceux qui s’engagent dans ces manifestations ecclésiales, il n’y a
pas de signe de vraie conversion. Leurs comportements ne correspondent pas aux
engagements du baptême»[32].
Nous allons
maintenant aborder la question que nous nous sommes posé au début. Dans un pays
comme la R.D.C, qui a été déchiré par des conflits, des troubles, la misère,
les discriminations entre le pouvoir et la masse d'une part, et entre les gens
eux-mêmes d'autre part, que peuvent faire les chrétiens, forts de leur
foi ? En quoi leur foi peut-elle les aider dans la lutter pour rendre
cette situation meilleure ? Dans un climat de manque de fraternité, quel rôle
peuvent-ils jouer pour y mettre fin?
Notre réponse à
cette question s'articulera de la manière suivante : nous allons d'abord poser
les raisons pour lesquelles le chrétien doit s'engager dans le domaine
politique. Ensuite, nous allons indiquer quelques dynamismes que la foi peut
conférer aux chrétiens. Enfin, nous allons voir comment et dans quelle mesure
la foi nous aidera à instaurer une culture de fraternité. Autrement dit, il
sera question, en premier lieu, de voir à quel niveau les lumières de la foi,
de la parole de Dieu aideront les hommes à bâtir une société où sont
privilégiées les valeurs qui rendent compte de la fraternité. En second lieu,
nous allons faire quelques recommandations. Tout cela sera vu au premier volet
de ce chapitre. Dans le deuxième volet nous présenterons les exigences requises
pour une bonne gestion d'un pays.
II. 1. Foi
chrétienne et changement de la société
II .1.1. Pourquoi le
chrétien doit-il s'engager en politique ?
C’est d’abord
par l’action irremplaçable des chrétiens laïcs que l’Eglise peut apporter sa contribution
au développement de notre nation. La société congolaise de demain sera ce que
les Congolais eux-mêmes veulent en faire aujourd’hui, car un pays porte
toujours l’image des convictions morales et religieuses de ses bâtisseurs[33].
La question de savoir
si le chrétien peut légitimement s'engager en politique, si sa foi l’autorise à
entrer dans les mêlées d'ordre politique, paraît aujourd'hui dépassée.
Cependant, vu les multiples hésitations que beaucoup de croyants éprouvent,
nous jugeons opportun d'y revenir. En effet, notre conviction est que le
chrétien congolais doit s'y engager. C'est même une urgence, vu la situation de
notre société.
Malgré l'opinion
en vogue « chez nombre de chrétiens que la politique est une démarche au relent
satanique, laquelle opinion a pour conséquence de reléguer l'exercice et
la conquête du pouvoir politique à une poignée de courageux»[34], s’engager
en politique dans notre pays est une tâche urgente que le chrétien doit
assumer. Non seulement il se trouve convié à cette tâche par ses pasteurs, mais
aussi la perspective de la constitution pastorale 'Gaudium et Spes' et le riche
enseignement social de l'Eglise l'exhortent à un pareil engagement. La visée
primordiale de cet enseignement social de l'Eglise n'est rien d'autre qu'une «
recherche sincère et résolue de nouveaux modèles des sociétés dans leurs
dimensions sociales, politiques, économiques et internationales »[35].
Beaucoup de penseurs chrétiens ont compris cela et ne s'empêchent d'exhorter
les chrétiens et les Eglises à cet engagement politique. Tel est le cas de Vincent
COSMAO, qui lie la crédibilité de l'Eglise à cette tâche; tel aussi est le cas
du théologien Camerounais Jean-Marc ELA qui estime que cet engagement est une
nécessité de sa mission évangélique :
« Dans les pays d'Afrique où les droits
élémentaires de l'homme sont bafoués, affirme Jean-Marc ELA, l'Eglise ne peut
se satisfaire de la liberté qui lui est donnée de construire les lieux de culte
et de prêcher. La nécessité d'enraciner le message chrétien dans les réalités
africaines impose à l'Eglise le refus de toutes formes de compromission et de
complaisance avec les régimes en place »[36].
Une autre
raison, c'est que le croyant, comme tout autre citoyen de son pays est membre
avec des droits et des devoirs et qu'il doit ainsi s'engager d'une façon ou
d'une autre pour le développement du bien-être social[37].
Dans ce sens, «le rôle des fidèles laïcs comme sel de la terre et lumière du
monde (Mt 5, 13-14) est immense. Ils seront dans la société congolaise des messagers
de la transcendance de Dieu, de l’unité et de la solidarité nationale, du
développement et du respect des droits humains»[38].
Nous osons dire
que c'est une urgence. Il faudrait que le chrétien puisse s'y mettre avec le
sérieux de sa vie d'enfant de Dieu. Non seulement l'engagement dans les
affaires du monde, y compris le domaine politique, est une tâche intégrante de
l'évangélisation et un lieu où l'Eglise et les Pasteurs peuvent accréditer le
message de Jésus Christ, mais en plus, la foi chrétienne, la révélation divine,
le christianisme se révèlent comme une chance face à la crise qui s'abat sur
les sociétés, et plus particulièrement dans notre pays . C'est une chance pour
décristalliser les systèmes politique, social voire économique, car la foi peut
libérer les énergies nécessaires pour « affronter l'ennemi dont la puissance
fait obstacle au devenir humain », selon les mots de Vincent COSMAO. Cet
"ennemi" n'est rien d'autre que la structuration des sociétés dans
l'inégalité, qui fait vivre les uns de la mort des autres[39].
Disons mieux qu'elle peut libérer les énergies contre toutes les structures
politique, sociale et économique d'oppression de l'homme par son semblable.
Ainsi le
chrétien laïc devient une présence de l’Eglise dans le monde, un témoignage de
la charité, un apostolat de l’amour du prochain dans la famille, dans le milieu
du travail, dans les multiples responsabilités socio-politiques[40].
Pour l’Episcopat, aujourd’hui,
«Les chrétiens ne se contenteront pas des
lumières de la foi et de la force vivifiante de l’Evangile, ils doivent savoir
que les institutions modernes sont déterminées par les acquisitions de la
science et de la technique. Aussi leur est-il demandé d’avoir une compétence
scientifique, des aptitudes techniques et la qualification professionnelle
nécessaire pour que leur action ait de l’impact sur ces institutions. Mais
cette compétence scientifique sera portée dans un esprit chrétien, soucieux de
réaliser un juste équilibre entre l’effort scientifique, technique et
professionnel et la foi, ce qui suppose déjà un équilibre harmonieux entre la
formation religieuse et l’instruction profane»[41].
II .1.2. Nécessité
de reconstruire, de restructurer notre société
Le contexte de
la R.D.C. est celui de crise, comme nous l'avons signalé dans la problématique.
Nous avons parlé d'une société meurtrie par des violations des droits de
l'homme, la misère, les violences. Non seulement des violences perpétrées à
l'aide d'un instrument de combat, mais aussi la violence en tant que l'ensemble
des mécanismes sociaux fabriqués et pensés par l'Etat pour cautionner
l'exploitation, l'aliénation, les médiocrités infligées au peuple[42].
Face à la
désarticulation structurelle du domaine politique, économique et socioculturel,
il faut trouver une solution. Dans ce contexte qui exige une nouveauté
radicale, la foi chrétienne est susceptible de nous aider à orienter cette restructuration.
Elle n'est pas une solution toute faite, mais peut fournir des lumières
nécessaires pour orienter notre agir. Le recours à la foi, nous l'estimons,
peut nous amener à tirer les exigences et une structure d'existence nouvelle,
en l'occurrence pour une culture de la fraternité dans notre pays. De plus,
quelques dynamiques inspirées par les bases de la foi peuvent nous aider à
construire intégralement notre pays.
La foi est
capable de nous fixer sur l'essentiel pour construire un monde humain qui nous
permettra, dans la suite, à bâtir le monde matériel sur les bases et la mesure
de l’humain. Sans une repossession de nous-mêmes comme êtres responsables, il
sera difficile d'orienter nos efforts de restructurations sociales vers plus
d’humanité. Il est question ici de ce que Vincent COSMAO appelle la pratique
politique de la foi :
«... une pratique politique de la foi,
dit-il, doit donc tendre, non à la mise en œuvre de quelque « politique tirée
des propres paroles de l'Ecriture Sainte », mais à la libération des dynamiques
sociales et de la capacité des hommes à les conduire. Loin de viser à la
réalisation d'un modèle que Dieu imposerait aux hommes, la pratique politique
de la foi doit tendre à restituer aux hommes et aux sociétés l'autodétermination
de leur vie collective »[43].
Il faut renaître. Il faut nous ressaisir
pour un nouveau départ. Cela ne va pas de soi, sans une nouvelle détermination,
sans une nouvelle imagination et une nouvelle manière de nous représenter la
vie, le monde (c'est-à-dire un nouvel imaginaire, selon les mots de KÄ MANA).
Il nous faut changer des structures. Or pour les changer, l'homme doit prendre
au préalable conscience de sa condition, de sa situation. Il doit pouvoir se
désenchaîner des structures anciennes où il se trouvait aliéné; il doit donc
être libre. Etre libre, dans ce cas, n'est pas une affaire d'un seul, mais de
tous les membres de la société. KÄ MANA nous suggère ceci : « il faut penser la
liberté d'un peuple, d'une communauté qui se libère de ses chaînes pour
construire une société nouvelle »[44].
Le recours à la
foi nous est utile à deux niveaux. Premièrement, forts de notre foi, instruits
de la parole de Dieu, nous acquerrons un nouvel être collectif, une nouvelle
personnalité et des dynamiques nécessaires pour assumer nos responsabilités.
Deuxièmement, ce recours pourra nous aider à orienter nos efforts de
restructuration vers des valeurs autres que celles qui dominent notre « ethos
», c'est-à-dire il nous aidera à inventer une autre culture.
II .1.3. Quelques
dynamiques inspirées des vertus théologales : foi, espérance et charité
Les chrétiens laïcs et tout le clergé ne
sauraient se mobiliser dans la construction d’une nation prospère s’ils ne sont
pas mûs par les vertus théologales : les vertus théologales «fondent,
animent et caractérisent l’agir moral du chrétien. Elles informent et vivifient
toutes les vertus morales. Elles sont infusées par Dieu dans l’âme des fidèles
pour les rendre capables d’agir comme ses enfants et de mériter la vie
éternelle» (C.E.C., n° 1813).
La
foi chrétienne seule ne suffira pas pour relancer le Congo sur le chemin du
développement, si elle ne débouche pas dans des actes concrets d’amour
authentique du prochain. Saint Jacques nous a mis en garde contre une foi qui,
sans œuvres, n’est qu’une foi morte (Cf. Jc 2, 17).
Certes,
mener une vie chrétienne conforme aux vertus théologales n’est jamais une chose
facile. Les disciples authentiques de Jésus ne peuvent éviter les tribulations,
les persécutions. Ils iront même parfois jusqu’à la mort à cause de leur
attachement à Jésus-Christ (Cf. Mt 10, 17-18). L’histoire sainte est riche en
témoignages. Le peuple d’Israël a tellement enduré des souffrances qu’un jour
il a vu la terre promise. «Avec des chrétiens vertueux, solides, qui répandent
autour d’eux la bonne nouvelle et les bons principes de vie, il y a de fortes
chances que la crise puisse être surmontée»[45].
C’est ainsi que le devoir de l’Eglise est aussi de porter une responsabilité de
l’espérance.
L’exercice
de l’autorité implique la dimension morale, l’appel aux vertus qui favorisent la
pratique du pouvoir dans un esprit de service, d’intégrité, d’honnêteté et de
rassemblement de tous les citoyens ; une autorité exercée par des
personnes capables d’assumer de façon authentique le bien commun comme finalité
de leurs propres actions, et non le prestige ou l’obtention d’avantages
personnels[46].
II .1. 3.1. Acquérir un nouvel être,
une liberté
Face aux
péripéties de la crise dans le pays, nous devons nous imposer des attitudes
nouvelles. Rompre avec la logique qui a présidé à notre expérience passée pour
embrasser une nouvelle logique, celle d'une existence nouvelle. Nous devons
ainsi être libres, exhiber un autre être pour amorcer l'édification d'une
nouvelle société. Cette nouvelle autodétermination, nous pouvons l'acquérir de
la parole de Dieu. Celle-ci pourra nous éclairer, nous façonner.
La première
chose, c'est de nous convertir à Dieu. Il peut paraître banal de proposer ici
la conversion comme attitude fondamentale et comme démarche primordiale pour la
reconstruction de notre pays. Mais si l'on comprend bien l'enjeu de la
radicalité de la position à prendre face aux marasmes de notre société, on
admettra qu'il faut la conversion de nous tous. La conversion personnelle a des
attaches avec la transformation sociale. Elle est une transformation. Et «
cette transformation ne doit pas seulement être intérieure, mais concerner
toute la personne avec sa corporéité, -facteur de solidarité, - ce qui a aussi
des répercutions sur le tissu de relations sociales dans lequel elle est impliquée
»[47].
La conversion,
comme attitude de retour décisif à Dieu et d'adoption du projet qu'il nous
propose, est la première clé pour résoudre nos problèmes. La conversion est à
envisager selon le théologien latino-américain Leonardo BOFF, comme ouverture à
Dieu et à travers Dieu, ouverture à l'homme dans la charité. Comme mouvement de
sincérité de l'homme de toute son âme, toutes ses forces et tout son esprit,
vers Dieu qui est la signification dernière de ce monde et qui guérira jusque
dans ses fondements, la création tout entière en instaurant de nouveaux cieux
et une nouvelle terre. La conversion implique aussi d'épouser la vision du
monde de Jésus Christ : « se convertir, dira Leonardo BOFF, c'est changer sa
manière de penser et vivre dans le sens de Dieu, et de ce fait même, accomplir
en soi une révolution intérieure»[48]. Le Pape Jean-Paul II nous aide à percevoir
mieux la radicalité de cette conversion à Dieu, quand il énonce ce principe : «
En perdant le sens de Dieu, on tend à perdre aussi le sens de l'homme, de sa
dignité et de sa vie » (E.V. n° 21). Ainsi, pour retrouver le sens de l'homme,
de sa vie, il faut revenir à Dieu.
Notre engagement
pour l'avènement d'un monde nouveau, d'une nouvelle société comporte donc une
dimension spirituelle. D'aucuns disent d'ailleurs qu'on ne construit pas une
maison pour le simple plaisir de construire, que la maison n'est pas seulement
un assemblage de matériaux. La maison achevée, dit-on, reflète la sensibilité
du constructeur ou du propriétaire ; elle laisse percevoir la vie ou le
sentiment qui l'habitait durant la conception du plan et même durant la
construction. De même, la société que nous voulons en R.D.C. fera transparaître
ce que nous sommes au plus profond de nous-mêmes, nous peuple congolais,
c'est-à-dire avec ou sans Dieu.
Nous savons bien
que la conversion est la condition même que Jésus avait posée au début de son
ministère : « Convertissez-vous et croyez en la bonne nouvelle, le Royaume des
cieux est tout proche » (Mc 1, 15). Le royaume des cieux, d'après Leonardo
BOFF, signifie une révolution totale, globale et structurelle de l'ordre
ancien, conduite à son terme par Dieu et seulement par Dieu, et donc adhérer au
Christ est la condition indispensable pour participer au nouvel ordre qui sera
apporté par Dieu[49].
Ce n'est donc pas seulement une question individuelle, ce n'est non plus pour
amener les hommes à réaliser certaines pratiques religieuses et à appartenir à
une Eglise ; ce doit être aussi la conversion de « la conscience personnelle et
collective des hommes, (de) l'activité dans laquelle ils s'engagent, (de) la
vie et le milieu concrets qui sont les leurs » (E.N. n° 18).
II.
1.3.2. Etre la conscience prophétique dans une société sans « conscience »
Une société sans
conscience, est une société où le mal a élu domicile ; où il y a l'oppression
d'une catégorie de personnes par une autre, où les violences se sont déchaînées
entre les gens, les uns contre les autres. Notre foi en Dieu qui prend le parti
des faibles, en Dieu qui constate l'oppression contre son peuple et se décide
de le délivrer de sa main puissante, nous fait prendre conscience d'une
situation sous laquelle nous ne devrions pas ployer. Elle éveille notre
conscience à la non-conformité de la situation d'aliénation, et du même coup,
elle nous pousse à défier la société. D'où le pouvoir de contester la situation
d'oppression et de se décider pour une meilleure situation.
Grâce à cette
conscience, les chrétiens pourront constituer un contre-pouvoir à l'égard des
pouvoirs « pharaoniques » c'est-à-dire oppressifs, en insérant les injustices
dans la conscience du peuple jusqu'à les lui rendre insupportables. C'est par
cette manœuvre, pense le théologien J-M. ELA, que l'Eglise (les chrétiens) fera
naître dans le chef de la masse une solidarité active; ce qui apparaît une
démarche primordiale dans toute rupture avec les situations de servitude. Bien
plus, cette conscience ne peut exister sans le repérage des facteurs ou des
mécanismes de l'oppression[50]. De
cette façon, les églises (les chrétiens) pourront contribuer à la formation
'politique des masses, les aider à se libérer elles-mêmes.
Par ailleurs,
face à la nécessité d'une nouvelle structuration, ressentie dans notre pays, le
christianisme, la foi, la révélation biblique nous forge une vision globale du
réel que nous pouvons adopter. C'est-à-dire qu'au niveau de l'imaginaire, le
christianisme nous ouvre à une conception du monde, de la société, de
l'histoire non pas comme cyclique mais une conception telle que l'homme, la
société, l'histoire sont toujours à faire à nouveau.
La révélation,
l'intervention de Dieu dans l'histoire, dans la réalité sociale et temporelle,
lieux où Dieu nous propose un projet collectif de communion et d'unité
(alliance), comporte un message d'espérance qui postule en permanence de nous
la transformation du monde[51].
C'est en cela que consiste le message exodial
dont J-M ELA propose la relecture en vue de l'intérioriser pour une
action efficace dans nos sociétés :
« Le Dieu de l'exode est un Dieu de la promesse
et du départ hors du présent, vers l'avenir, un Dieu dont la liberté est source
de ce qui vient, source de choses nouvelles (...). Son nom est un nom de route,
un nom de promesse qui ouvre un avenir et dont on saisit la vérité dans une
histoire, puisque sa promesse en dévoile l'horizon d'avenir »[52].
Ce texte de J.
MOLTMANN, cité par J. M. ELA, dévoile que Dieu n'est pas le Dieu qui oriente
l'homme vers le perpétuel commencement du cycle cosmique. C'est un Dieu de
l'espérance à l'avenir d'un mouvement irréversible et d'une radicale nouveauté[53].
Nous, les croyants, nous devons être des hommes debout ; nous devons inventer,
nous devons aller hors du présent de la conflictualité qui existe dans notre
société vers un autre avenir. Au moment où tous les horizons semblent bouchés,
nous devons nous tourner vers les messages de la foi chrétienne pour scruter
les noyaux de sens, qui pourront orienter notre initiative.
Dans cette
perspective, nous rejoignons le penseur KÄ MANA pour qui le christianisme
s'impose comme utopisme. C'est-à-dire il peut nous permettre de déployer,
dit-il, un modèle éthique où l'homme, la société et la réalité tout entière
sont toujours à faire à nouveau, selon l'ambition de l'humain dont la mesure,
et non le contenu, est esquissée dans la parole biblique[54]. Cette
perspective du christianisme comme utopisme doit traiter, à notre avis, les
trois grands besoins évoqués par le Père René BEECKMANS comme manquement
essentiel au monde d'aujourd'hui, à savoir la crise de la pensée, la crise de la
moralité et la crise de l'espérance[55]. Il
faut apprendre à bien penser nos problèmes et leurs solutions, apprendre à
chercher la vérité sur l'homme, sur la société, sur la connaissance du bien et
du mal ; il faut apprendre à nous référer constamment à Dieu, à choisir l'ordre
voulu par Lui. Il ne faut pas nous laisser vaincre par le désespoir. Il faut
éviter tout scepticisme et tout défaitisme[56].
Forts de leur foi, l'Eglise et les croyants peuvent jouer un rôle de taille
dans notre société. A part le rôle de discernement critique par rapport à
toutes les situations d'oppression dans notre pays, ils peuvent exercer la
fonction prospective pour répondre aux défis nouveaux. Tel est, par exemple, le
défi de manque de fraternité.
Pour cette
fonction prospective, nous proposons avec René COSTE, les deux orientations que
peut suivre l’action de l'Eglise et des croyants : la conscientisation et la
mobilisation des communautés chrétiennes et des hommes en vue de prendre, en
main, en responsable, des grands problèmes contemporains[57]. R.
COSTE explicite la visée dans laquelle l'Eglise doit articuler son action de
conscientisation et de mobilisation. Selon lui, cette visée comporte deux types
de langage :
-
Un
langage humaniste : l'éveil à une conscience mondiale de solidarité.
-
Un
langage porteur de toute la densité de la foi chrétienne : la dynamisation de
la marche en avant de l'humanité par l'épanouissement du sens de la fraternité
et du partage[58].
A ce niveau de
notre propos, il devient clair que grâce à la foi, grâce à la parole de Dieu,
les chrétiens peuvent construire la société congolaise ; du moins, ils peuvent
contribuer à ce que celle-ci acquière une culture nouvelle.
II. 1.5. Foi et
culture de la fraternité
Pour
instaurer une nouvelle culture dans une
société donnée, il faut insister sur des
Valeurs nouvelles, celles qui doivent
dominer. Il est question, comme le propose V. COSMAO, d'agir « sur les causes »
et « sur les structures ». Insister sur les causes qui engendrent les effets
malheureux : il faut les dénoncer et en démontrer les effets pervers. Il faut
«extraire» les gens des systèmes auxquels ils étaient habitués et les amener à
intérioriser de nouveaux « canons ». C'est comme cela que ça devra se faire
pour la fraternité. Amener les gens à se débarrasser des manies de violence,
d'exclusion, de discrimination sous toutes leurs formes pour intérioriser un
système de comportement de fraternité et de solidarité. Les vérités de la foi
chrétienne sont susceptibles d’amener les gens à opérer ce changement.
Le manque de
convivialité dont nous avons parlé dans notre travail comme défi réel pour
notre pays, est un handicap pour la reconstruction intégrale du Congo. La
convivialité est à la fois préalable incontournable pour la reconstruction de
notre pays et point d'arrivée des efforts à développer. Elle doit être comprise
comme un pas de plus de la conscience d'une communauté qui veut se créer; elle
manifestera le progrès au niveau humain et en tant que culture acquise, elle
contribuera à dynamiser la marche en
avant de notre société. Ce sera le progrès humain dont dépendront tous les
autres progrès dans notre société; ce progrès ne peut advenir de soi sans
l’intériorisation de quelques nouveautés dans la conscience, notamment des
nouveautés que propose notre foi chrétienne. François PERROUX corrobore très
bien cette idée d’un progrès humain
indispensable et préalable à tout autre progrès et fait remarquer qu’il dépend
de la prise en compte des vérités chrétiennes :
« Vers ce point de l'aube se tournent les
regards de ceux qui ont compris qu'il n'est point de progrès économique séparé,
ni, sans doute, de charité pleinement responsable sans quelque attention
accordée au progrès humain. Ils savent que dans son contenu le plus immédiat et
son sens le plus profond, ce progrès dépend de la diffusion, au sein d’une
espèce qui émerge à peine de l’animalité (c'est-à-dire l'espèce humaine), de quelques nouveautés étonnantes:
«ton prochain est celui à l'égard de qui tu exerces la miséricorde », « Tu ne
tueras point », « Qu'ils soient un ». Personne, au fond, ne doute que ces
vérités ne soient pas celles du monde meilleur. Le progrès humain dépend du prodige
ou du miracle par lequel elles ne seraient plus des histoires de l'autre monde
»[59].
Nous pouvons
bien, si nous le voulons, restructurer autrement la société, nos mentalités,
grâce à l'utopisme que comporte le
christianisme. Le christianisme n'est pas la solution brute comme telle, mais comme le dit KÂ MANA,
il constitue un cadre où nous pouvons
accéder aux idées et utopies fécondes pour inventer ou fonder une façon
de vivre :
« Le cadre d'utopisme que représente
l'éthique du christianisme, c'est-à-dire sa technique de l'humain, éveille en
nous la meilleure conscience pour des changements en profondeur dans l'Afrique
d’aujourd’hui. Il instaure les chances d'une vision du monde créatrice
d'utopies fécondes au niveau du fondement de la vie humaine là où se décident
les raisons de vivre et de mourir »[60].
Pour instaurer
une civilisation ou une culture de la convivialité dans notre pays, le
christianisme, la foi, la révélation biblique nous fourniront et aideront à
intérioriser certaines valeurs indispensables, notamment la fraternité et la
solidarité. Il faut renaître à un
imaginaire nouveau, c'est-à-dire une nouvelle manière de nous représenter le
monde, les choses, l'homme, la société. Il faut croire à d'autres possibilités de vie en dehors de ce que nous expérimentons comme vie entachée de
violences et d’exclusions.
Ce travail n'est
pas facile à faire. Il ne peut non plus se faire en une fois. Il faut une action,
un choix que les hommes peuvent faire. La violence n'est pas le sort fatal de
l’homme. Celui-ci peut la dominer. C'est le message que le mythe de Caïn et
Abel nous apporte en soulignant la
responsabilité fraternelle de l’homme. Dieu qui dit : « Pourquoi es-tu irrité
et pourquoi ton visage est-il abattu ? Si tu es bien disposé, ne relèveras-tu
pas la tête ? », (Gn 2, 6-7), révèle par là, à l'homme la possibilité de se
maîtriser. D'où l'exigence capitale : le choix de la vie contre la violence, le
choix de la fécondité vivante des relations humaines contre toutes les forces
de destruction qui œuvrent dans l'homme et dans les structures de son existence[61].
Cela ne veut pas dire que dans la vie concrète cette exigence sera réalisée en
une fois, mais que « rien de ce qui relève de la vérité humaine ne peut se
faire sans la conscience d'une telle exigence »[62].
La convivialité
au Congo requiert la responsabilité des Congolais. C'est dans la conscience
d'une responsabilité créatrice, - conscience qu'ils acquerront, grâce aux
vérités de la foi -, qu'ils pourront réaliser la convivialité. Il faut
revaloriser l’humain. Autrement, il sera impossible de la réaliser. Pour cela,
il faut adopter la manière de nous représenter la vie nationale, il faut la
repenser en termes de fraternité, de solidarité fondée sur les vérités de la
foi. Etre responsable, qu'est-ce à dire? Martin Luther KING nous dira que c'est
adopter l'attitude que Jésus nous indique à travers la parabole du bon
Samaritain. Etre des bons « samaritains », c'est faire preuve d'altruisme à
l'égard du prochain. Ce prochain, « c'est tout homme dans le besoin - sur l'une
des nombreuses « routes de Jéricho » de la vie »[63]. Cet
altruisme doit être universel; il implique qu'on doit dépasser les obligations
imposables et tenir celles qui ne peuvent être imposées et qui échappent aux
lois de la société. Il faut se soumettre à une loi intérieure, inscrite dans le
cœur de l'homme[64].
II .1.6.
Recommandations
Pour lever le
défi de manque de convivialité, les chrétiens auront la tâche de faire
percevoir aux gens la nécessité de tout mesurer à l'humain dans leur
comportement. Pour cela, ils se lanceront au travail qui inclut certaines
exigences :
1° Exigence "d'incarnation":
être de plain-pied dans la vie, les problèmes, les quêtes et utopies de la
société congolaise. Orienter ces quêtes à l'aide des lumières de la parole de
Dieu, encourager les gens. Vivre l'Evangile au cœur de ce que le pays souffre
et endure, de ce qu'il construit et forge comme destin, de ce qu'il croit et
espère comme espace de lumière.
Le pape Paul VI disait, il y a plus de
trente ans, que la rupture entre Evangile et la culture est, sans doute, le
drame de notre époque, comme ce fut aussi celui d'autres époques (E.N. n°20).
2° Exigence de remise en question et de
résistance concrète : Contester toute forme d'esprit qui ne va pas dans le sens
de la mesure de l'humain, définie par l'Evangile; résister à toute tentative de
poser une autre mesure d'être et d'existence que l'éthique de la lutte contre
l'inhumain au nom de la dignité humaine.
3° Exigence de libération : désenchaîner
l'imaginaire (c'est-à-dire l'ensemble de forces créatrices dans la vie humaine)
par rapport aux endémies psychiques, aux détresses économiques dont le pays
souffre et meurt actuellement.
4° Exigence de ré-novation : semer partout
la vaste utopie des nouveaux cieux et de la terre que porte en elle la Parole
de Dieu. Faire en sorte que les sensibilités nouvelle chrétiennes contribuent
à infléchir le
sens dans les
orientations politiques,
économiques, sociaux, moraux[65].
«Comme aux époques des plus violentes
tempêtes dans l’histoire de l’Eglise, aujourd’hui encore le remède fondamental
consiste dans une rénovation sincère de la vie privée et publique selon les
principes de l’Evangile chez tous ceux qui se glorifient d’appartenir au Christ,
afin qu’ils soient vraiment le sel de la terre et préservent la société humaine
de la corruption totale» (D.R., n° 4).
5° Exigence de conserver le territoire
national. Aux exigences formulées par KÄ MANA nous ajoutons celle-ci :
nous voulons réaffirmer que l’intégrité territoriale et la souveraineté
nationale ne sont pas négociables. Nous demandons à notre peuple de demeurer
vigilant pour barrer la route à tous ceux qui veulent diviser les Congolais
pour des intérêts inavoués. Nous invitons nos concitoyens à se défaire des
mentalités et des comportements par lesquels, même sans le vouloir, ils
risquent de faire le jeu de la balkanisation, notamment par la discrimination
et l’exclusion sur base d’identité ethnique ou régionale. Nous devons relever
le défi de l’unité et de la cohésion nationale. A ce sujet, le peuple congolais
a besoin aujourd’hui de l’unité, de la paix, du bien-être collectif (santé,
éducation, infrastructures de base), du fonctionnement normal de l’Etat. Il
mérite un avenir meilleur, par rapport à ce qu’il a connu au cours des
dernières décennies[66]. En cette heure grave et même d’anxiété que
nous traversons, nous appelons tous les Congolais à un total dépassement de soi
afin qu’ils abandonnent toute considération d’ordre personnel et recherchent
ensemble le bien supérieur de la nation[67].
Si ces exigences
servent de grille pour bâtir des stratégies d'action pour la convivialité, il
faudra, cependant, que le pays soit bien géré. Nous l'avons dit plus haut, la
violence a été institutionnalisée dans notre pays. La nécessité d'une bonne
gestion de notre pays va de soi, car elle permettra de supprimer, mieux
d'assainir les réseaux de violences restés confinés dans les institutions et
dans le système de gestion de l'Etat. C'est pourquoi nous allons donner
quelques exigences pour une bonne gestion du pays.
II .2. Quelques
exigences pour une bonne gestion de notre pays
II .2.1. La valeur
de l'homme
La dignité de
l'homme est une donnée incontournable pour toute action politique, si elle
prétend à l’efficacité. Le pape Jean Paul II n'a cessé de le rappeler à travers
ses encycliques : la cause du mal, - mal qui a conduit à l'injustice sociale,
économique, à la corruption, qui préside aux processus d'attentat à la vie -,
s'enracine dans la négation de la dignité humaine (cfr E.V. n° 3 et 4, S.R.S.
n° 15 et 33)... Pour mieux la sauvegarder en quelque matière que ce soit, il
est nécessaire d'avoir la vision de l'anthropologie chrétienne qui trouve en
l'homme une image de Dieu. Les responsables politiques devraient avoir cette
vision sur les hommes qu'ils dirigent. Cela leur éviterait de mener à
l'aveuglette l'action politique. En vertu de cette constitution de l’homme à
l'image de Dieu,
« la personne, dit Emmanuel MOUNIER, est
un absolu à l'égard de toute autre réalité matérielle ou sociale et de toute
autre personne humaine. Jamais elle ne peut être considérée comme partie d'un
tout : famille, classe, Etat, nation, humanité. Aucune autre personne, à plus
forte raison, aucune collectivité, aucun organisme ne peut l'utiliser
légitimement comme un moyen »[68].
Vu le marasme
politique connu dans notre pays et les problèmes de convivialité qui se posent,
seule cette vue sur l'homme s’impose absolument. Toute action historique, comme
spirituelle sur l'homme doit normalement faire prévaloir le caractère absolu de
l'homme, établi tel par la volonté créatrice divine. Comme le dit Albert
DONDEYNE, pour être digne, toute société ou communauté politique devra refléter
dans ses institutions et ses législations, le souci de la personne et le
respect de toutes les valeurs qui sont nécessaires à son épanouissement[69].
En son temps,
Pie XII affirmait : « l’homme, loin d’être l’objet et comme un élément
passif de la vie sociale, en est au contraire, et doit en être et demeurer le
sujet, le fondement et la fin»[70]. Il
faut sauvegarder le domaine intangible des droits de la personne humaine et de
lui faciliter l’accomplissement de ses devoirs. Le bonheur de notre pays dépend
de cette donnée. Le pape Jean Paul II suggère avec raison : « Respecte,
défends, aime et sers la vie, toute la vie humaine! C'est seulement sur cette
voie que tu trouveras la justice, le développement, la liberté véritable, la
paix et le bonheur » (E.V. n°5 § 5). Nous ajoutons ceci : c'est seulement à
cette condition que tu assureras une bonne gestion de ton Pays. A la dignité
humaine est liée donc la problématique des droits de l’homme. Leur respect,
leur promotion sont des parties intégrantes de la stratégie de la
reconstruction de la R.D.C[71].
II. 2.2. Exigence
éthique
Ethique, au sens
de la moralité. Il va de soi que les actions politiques doivent se mesurer à la
morale pour bien présider aux destinées des Congolais. Toutes les mesures
politiques, sociales et économiques et les comportements des individus vis-à
-vis du bien commun doivent être moraux.
« La morale, écrit MUSAMBI Malongi ya
Mona, est indispensable pour maintenir, puis élever, l'humanité à un niveau
supérieur à celui qui résulterait de la pure spontanéité, de la seule nature.
On peut mépriser la morale et l'éducation, la formation des tendances qui
assurent la paix, la justice, la bienveillance mutuelle des hommes...mais il
faut s'attendre à payer ce mépris par la décomposition des vertus qui font la
générosité d'un individu, la perpétuité d'un peuple, l'amour de l'humanité »[72].
Faut-il rappeler
ici, pour ce qui concerne l'agir collectif, que le comportement éthique que
dicte la loi de la foi, comme nous l'avons dit plus haut, est l'éthique de la
responsabilité (de chacun envers tous) et l'éthique de l’humain. Ces deux types
d'éthique doivent fixer les valeurs qui pourront régler l'agir collectif.
L'Etat tout comme les individus doivent se révéler responsables, chacun à son
niveau[73].
Les évêques de
la CENCO ont tenu à rappeler l’importance des valeurs et exigences éthiques pour le développement de
notre pays :
«sans elles ni
nos ressources naturelles ni toute la technicité du monde ne peuvent rien
apporter pour l’avènement d’un Congo nouveau. Nous sommes convaincus que le
changement des gouvernants ne peut à lui seul entraîner automatiquement le changement
tant souhaité et attendu par notre peuple. Nous croyons que seule la conversion
des cœurs et le changement des mentalités nous aideront à édifier une société
juste et fraternelle. Nous sommes tous appelés, chacun à son niveau, à ce
changement de style de vie»[74].
II .2.3. Exigence de
développement
Une éthique de
développement est de mise aussi, si l'on considère le principe que le Pape Paul
VI a énoncé : « Le développement est le nouveau nom de la paix » (P.P. n°87).
Cette exigence est commandée par la dignité inaliénable de l'homme (S.R.S.
n°29). Le père Fridolin AMBONGO l'a bien démontré dans sa thèse doctorale : La réhabilitation de « l'humain », (est la)
base de développement vrai au Zaïre, aujourd'hui Congo.
« En définitive, conclut-il, le
développement au Zaïre sera ou ne sera pas selon que l'homme Zaïrois, ayant
pris conscience de sa dignité fondamentale et de sa vocation à se réaliser à
l'image de Dieu, se sera enfin mis debout pour marcher sur ses jambes. A ce
moment, il sera nécessairement amené à abandonner avec détermination toutes les
adversités qui l'ont jusqu'ici empêché de se considérer comme personne, comme
sujet et comme la seule raison d'être de tout projet de développement. Ce qui
suppose au préalable un travail dynamique de formation et d'éducation à la
responsabilité et au sens d’honneur. Ce travail n'adviendra pas comme par
enchantement, mais résultera des actions conjuguées de tous ceux qui veulent
pour ce peuple un avenir digne de l'homme »[75].
II .3. Conclusion
partielle
Face au désordre
politique et devant la déliquescence des structures de notre société, les
chrétiens doivent s'engager pour stimuler les masses à prendre conscience de
leurs mauvaises conditions de vie. Dans des situations de discriminations, face
aux mécanismes d'oppression et d'exclusion arbitraire dans leur société, il
leur « faut bien chercher à mettre en évidence la puissance subversive de l'Evangile
»[76]. Il leur faut par leur prédication,
recommande le pape Paul VI, de transformer « des zones d'humanité ».
C'est-à-dire il leur faut atteindre et bouleverser par la force de l'Evangile
les critères de jugements, les valeurs déterminantes, les points d'intérêts,
les lignes de pensée, les sources inspiratrices et les modèles de vie de
l'humanité, qui sont en contraste avec la Parole de Dieu et le dessein du salut
(E.N. n°19). Les chrétiens congolais ont cette tâche de fournir la réponse au
défi de manque de convivialité dans ce pays.
Point
d'illusion, c'est dans l'affrontement des contradictions internes de notre pays
qu'ils peuvent inspirer les masses à se prendre en charge et les stimuler à
forger une autre culture, une culture qui privilégie la fraternité. Ils
doivent, comme le dit bien PENOUKOU, « être de ceux qui, au risque d'un échec
apparent et provisoire, ont le courage de se battre et de vivre politiquement
en toute vérité, à cœur ouvert et à visage découvert. Face à l'arbitraire, aux
menaces fratricides et aux soubresauts régionalistes, (ils se doivent) être,
comme tout citoyen devait l'être, le fossoyeur de la haine et de la corruption,
le veilleur du destin de la nation, le prophète de l'Espérance ». En outre, les
acteurs politiques se doivent de bâtir leurs stratégies de gestion du pays en
prenant en compte les exigences suivantes : l'être humain, la morale dans leur
action, le développement intégral du pays[77].
Il y a bien des
signes qui montrent que le monde va à la dérive parce que la qualité des relations
humaines a fort baissé. Certes, ce phénomène ne date pas d’aujourd’hui, les
guerres ont toujours existé depuis la création du monde. Mais aujourd’hui plus
que jamais les hommes ont tendance à se construire un monde sans Dieu. Contre
vents et marées, il faut refaire la qualité des relations humaines sur notre
planète, construire un monde de justice, de vérité et d’amour[78].
CONCLUSION GENERALE
L’Afrique, en
particulier la République Démocratique du Congo, vit de perpétuels
bouleversements politiques et socio-économiques. Ceux-ci entraînent une
dégradation continue des conditions de vie des populations. Cette situation de
crise permanente engendre des graves inégalités et des inadaptations de toutes
sortes qui aboutissent aux comportements asociaux et inciviques qui causent le
sinistre dans l’ensemble de notre pays[79]. L’Eglise,
les chrétiens peuvent contribuer beaucoup à l'avènement d'un monde nouveau,
d'une culture nouvelle, celle de la convivialité.
Pour ce faire,
nous avons d'abord cherché à relever la signification et les tâches de la
politique. L’analyse de la crise
congolaise démontre que la situation vécue actuellement en R.D.C est
l’aboutissement d’un long processus de détérioration du politique, du social,
du culturel, et de l’économie. L'insolence des appareils de l'Etat a pris le
relais de la violence. Non seulement par les tortures, les arrestations, les
assassinats et massacres, mais encore par la négligence de ses devoirs, l'Etat
n'a cessé d'infliger le type de violence que nous avons qualifié de violence
institutionnelle. Désorienté dans son « être », le peuple sous le coup de la
déstructuration du politique, de l'économique et du socio-culturel, est resté
longtemps comme une remorque, c'est-à-dire sans aucun pouvoir de se créer lui-même,
et donc sans conscience politique.
S’il revient
avant tout à l’Etat de veiller à l’ordre public et de garantir, au nom du bien
commun, le respect des droits et devoirs des citoyens pour un développement
harmonieux de la société, cependant, en raison de la volonté divine qui veut
que tous les hommes soient sauvés et parviennent à la connaissance de la vérité
(1 Tim 2, 4), l’Eglise aussi a sa part dans cette importante œuvre de
développement.
«Les joies et les espoirs, les tristesses
et les angoisses des hommes de ce temps, des pauvres surtout et de tous ceux
qui souffrent, sont aussi les joies et les espoirs, les tristesses et les
angoisses des disciples du Christ et il n’est rien de vraiment humain qui ne
trouve écho dans leur cœur» (G S, n° 1).
A cet égard,
comme à l'égard du manque de convivialité, le corps chrétien de notre pays a
beaucoup à faire. La tâche est d'amener les gens à prendre conscience des
problèmes actuels de notre société, à dire « non » aux systèmes d'oppression et
d'exclusion, à se reconvertir à l'Evangile pour instaurer une fraternité nouvelle.
Le progrès humain, qui résulterait de cette fraternité, est la condition sine
qua non de la reconstruction que nous voulons réaliser dans ce pays. C'est sur
base d'espérance que nous posons la foi comme susceptible de générer dans notre
peuple une mentalité de convivialité en cette circonstance de crise.
Ce faisant,
l’Eglise n’entend pas faire la politique dans le sens d’une gestion directe du
temporel. Mais elle revendique la liberté d’exprimer son jugement moral sur
cette réalité chaque fois que cela est requis par la défense des droits
fondamentaux de la personne ou par le salut des âmes. Seul le combat pour la
dignité de la personne humaine reste notre principale préoccupation[80].
L’Eglise-famille de Dieu qui est en R.D.C. continuera à jouer son rôle de
sentinelle, à temps et à contretemps, pour rappeler à tous les valeurs
républicaines de l’Etat congolais à sauvegarder à tout prix, les valeurs
morales de la vie sociale, et les valeurs évangéliques, piliers de la paix et
de la concorde nationale (la vérité, la justice, l’amour et la liberté).
L’Eglise, mère et éducatrice, entend poursuivre sa mission de formation des
consciences pour une citoyenneté responsable. Elle jouera un rôle actif comme
levain dans la pâte ( Cf. Lc 13, 20-21).
Soyons
spécialement proches des réfugiés, des déplacés de guerre et des oubliés de
notre société qui, dans le silence et la misère, paient le lourd tribut de la
situation actuelle. Que notre charité se fasse inventive à leur égard. L’avenir
de notre pays est entre nos mains. Prenons courage et levons-nous.
Convertissons-nous et recherchons la paix véritable dans le pardon et la
réconciliation. Unissons-nous en mettant au-dessus de tout le bien supérieur de
la Nation[81].
BIBLIOGRAPHIE
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- VATICAN II, Les seize documents
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à l’occasion du jubilé d’or de l’indépendance du pays (1960-2010).
II. Ouvrages généraux
- AMBONGO B., Pour une éthique de développement intégral,
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- ARISTOTE, Ethique de Nicomaque, Traduction,
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- BEECKMANS René, Chrétiens dans le monde 2, Kinshasa, CE.P., 1983.
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- BRUAIRE Claude, La raison politique, Paris,
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- BRUN Jean, Platon et
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-
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- BURDEAU Georges, La démocratie, Paris, éditions du Seuil, 1966.
- CALVEZ Jean-Yves, Introduction à la
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- COSMAO Vincent, Changer le monde. Une tâche pour l’Eglise, Paris, les Editions du
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l'Eglise en milieu africain, Kinshasa, Editions de l'Epiphanie, 1981.
-
Faustin-Jovite MAPWAR Bashuth, Le discours socio-politique des Evêques de la
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(1996-2006) et la transition politique, Facultés catholiques de Kinshasa, 2008.
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-VALADIER Paul, Agir en politique. Décisions morales et pluralisme politique,
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III. Articles
- COSTE René, « Le développement de la pensée sociale de l'Eglise depuis « Rerum Novarum », in Nouvelle Revue Théologique, 1.104, n° 3,
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- « La place des droits de l'homme dans la stratégie de la reconstruction nationale, Séminaire interministériel,
Kinshasa, 11-13 mars 1998 », in Congo-Afrique,
n° 324, avril 1998, p. 197-222.
- MONSENGWO Pasinya L.(Mgr), « Eglise et politique », in Nouvelle Revue Théologique, t. 116, n°
4, juillet-août 1994, p. 481-494.
- NANA Narcisse, « L'Etat, entre conflits et droit. Paradoxe du "mal
politique" et humanitaire », in Raison
Ardente. Organe des Etudiants, Faculté de philosophie Saint Pierre Canisius,
n° 48, mars 1997, p. 35-56.
- NYEME Tese, « L'engagement politique du chrétien africain et le
développement intégral de son pays et de
son continent », in Euntes .Dossiers. Studies, n°5, mars, 1991, p.
51-55.
IV.
Bible
La Bible de Jérusalem,
La sainte Bible traduite en français sous la direction de l’école biblique de Jérusalem,
nouvelle édition entièrement revue et augmentée, Paris, Cerf, 1991.
V. Dictionnaire
-AUROUX Sylvain (dir.), Encyclopédie
philosophique universelle II, Les notions philosophiques, Paris, P.U.F,
1981.
VI. Travaux
- LUHANGU-SWA-MUTEBA Romain, le bien
commun : la garantie et la réalisation des droits fondamentaux de la personne.
Une perspective de l'enseignement social de Jean XXIII. Selon Jean-Yves CALVEZ, Mémoire
présenté en vue de l'obtention du baccalauréat en Théologie, Institut Saint
Eugène de MAZENOD, Kinshasa, inédit, 1996.
TABLE DES MATIERES
[1] COSTE R., La responsabilité politique de l’Eglise, Coll. «Points d’appui»,
Paris, Ouvrières, 1973, p. 121.
[2] Cf. BENOIT XVI,
Exhortation apostolique post-synodale, Africae
munus n° 9, Rome, Libreria Editrice Vaticana/ Kinshasa Médiaspaul, 2011.
[3] CENCO, «Ambassadeurs du Christ»
(2 Co 5, 20) dans les milieux politiques. Lettre
des Evêques catholiques de la R. D. Congo aux Acteurs politiques catholiques à
l’occasion du jubilé d’or de l’indépendance du pays (1960-2010), p. 2.
[4]
COSTE R., Op. Cit., p. 53.
[5] Sylvain AUROUX, Les notions philosophiques, à l'entrée de politique
in «Encyclopédie philosophique universelle II», P.U.F, 1981, p. 1978.
[6] Cf. TOUCHARD Jean ea, Histoire des idées politques1, des origines
au XVIIIe s, Paris, P.U.F., 1959, p. 6.
[7] BRUN Jean, Platon et l’académie,
in «Que sais-je ?», Paris,
P.U.F., 1960, p. 119.
[8]Cf. TOUCHARD Jean ea et ses collaborateurs racontent qu'à
la défaite de Grecs face aux Perses dans la deuxième guerre médique, les Grecs
ont pris conscience accrue de la loi comme quelque chose qu'on ne pouvait pas
leur enlever, p. 14.
[9] MONSENGWO Pasinya L.(Mgr), « Eglise et politique », in
Nouvelle Revue théologique, t. 116, n° 4, juillet-août 1994, p. 484 .
[10] BRUN Jean, Platon et l’académie,
Op. Cit., p. 113.
[11]Cf. TOUCHARD
Jean, ea, Op.cit., p. 17.
[13] BRUN Jean, Platon et l’académie,
Op. Cit., p. 104.
[14] ARISTOTE, Ethique de Nicomaque, Traduction, préface et notes par Jean
Voilquin, Paris, Garnier-Flammarion, 1965, p. 9.
[15] ARISTOTE, Idem
[16]Cf. L'information sur le rôle de l'Etat selon
M. WEBER nous est fournie par VALADIER Paul, Agir en politique. Décisions morales
et pluralisme politique, Paris, Cerf, 1980, p. 19.
[17] NANA Narcisse, «L’Etat, entre conflits et droit. Paradoxe
du mal politique et humanitaire» in Raison
Ardente. Organe des Etudiants., Faculté de philosophie Saint Pierre de Canisius n°48, Mars, 1997,
p. 45.
[19] Cf. LUHANGU-SWA-MUTEBA Romain, Le bien commun ; la garantie et la réalisation des droits
fondamentaux de la personne. Une perspective de l'enseignement social de
Jean XXIII. Selon Jean-Yves CALVEZ, Mémoire présenté en vue de l'obtention du
baccalauréat en Théologie, Institut Saint Eugène de MAZENOD, Kinshasa, 1996,
inédit, p.62.
[20] Cf. BURDEAU Georges, Traité de science politique, t. I
: le pouvoir politique, Paris, Librairie générale de Droit et de
Jurisprudence, 1949, p 58, cité par CALVEZ Jean-Yves, Introduction à la vie
politique, Paris., éditions Aubier-Montaigne, 1967, p. 32-33.
[24]Cf. Idem
[28]Cf. BURDEAU Georges, Traité de science politique, t. I : le pouvoir politique,
Paris, Librairie générale de Droit et de Jurisprudence, 1949,p. 58,
[32] Conférence Episcopale du Zaïre, Le chrétien et développement de la nation,
Exhortation pastorale des Evêques du Zaïre, Kinshasa, Editions du Secrétariat
Général de la C.E.Z, 1988, p. 69, n°
155.
[33] Cf. Ibidem, p. 66, n° 151.
[34] NYEME Tese, « L'engagement politique du chrétien
africain et le développement intégral de son pays et de son continent », in Euntes .Dossiers.Studies, n°5, mars
1991, p. 51.
[36] ELA Jean-Marc, Le
cri de l'homme africain. Questions aux chrétiens et aux Eglises d'Afrique,
Paris, Karthala, 1980, p. 15.
[37] Cf. PENOUKOU Efoi Julien, Eglises
d'Afrique .Propositions pour l'avenir, Paris, Karthala, 1984, p. 59.
[38] CENCO, «La vérité vous rendra libres» (Jn 8, 32). Le verdict des urnes dans la
transparence, Message des Evêques de la CENCO aux fidèles catholiques et
aux hommes de bonne volonté, Kinshasa, Editions du Secrétariat Général de la
CENCO, 2006, p. 14, n° 15.
[39]Cf. COSMAO Vincent, Changer
le monde. Une tâche pour l’Eglise, Paris, les Editions du Cerf, 1980, p.40.
[40] Cf. Conférence Episcopale du
Zaïre, Le chrétien et développement de la
nation, Op. Cit, p.
67, n° 152.
[41] Ibidem, p. 69, n° 154.
[44] KÄ MANA, Théologie
africaine pour le temps de crise. Christianisme et reconstruction de l'Afrique,
Paris, Karthala, 1993, p. 152.
[45] Conférence Episcopale du Zaïre, Le chrétien et développement de la nation,
Op. Cit, p. 70, n° 158.
[46] Cf. Conseil
Pontifical «justice et paix», Compendium
de la doctrine sociale de l’Eglise, Rome, Libreria Editrice Vaticana, 2005,
n°410.
[47] GUTIERREZ Gustavo, La
libération par la foi. Boire à son propre puits ou l'itinéraire spirituel d'un
peuple, Paris, Les éditions du Cerf, I985, p. 116.
[57]Cf. COSTE René, « Le développement de la pensée sociale
de l'Eglise depuis « Rerum Novarum », in Nouvelle
revue théologique, t.104, n°3, mi-juillet, 1982, p. 341.
[63] KING Luther
Martin, La force d'aimer, traduit de
l'américain par Jean BRULS, Paris, édition Casterman, 1966, p 38
[66]Cf. CENCO, «La vérité vous rendra libres» (Jn 8, 32). Le verdict des urnes dans la
transparence, n° 7-8.
[67] Cf. CENCO, Quel avenir pour le pays ? Déclaration
de la CENCO dans la situation d’impasse politique actuelle en RDC, Kinshasa,
Editions du Secrétariat Général de la CENCO, 2003, p. 5, n° 6.
[69]Cf. DONDEYNE Albert, Foi
chrétienne et pensée contemporaine, Louvain, Publications universitaires de
Louvain, 1951, p. 197.
[70] PIE XII, Radiomessage du 1er
Juin 1941.
[71] « La place des droits de l'homme dans la
stratégie de la reconstruction nationale, Séminaire interministériel, Kinshasa,
11-13 mars 1998 », in Congo-Afrique, n° 324, avril 1998, p. 201. Voir
aussi JEAN PAUL II, S.R.S., n° 33, § 3.
[72] MUSAMBI Malongi
Ya-Mona, «Du primat de l'ordre éthique sur l'ordre économique. Guide de
réflexions pour une "éthico-économie" », in Philosophie africaine
et ordre social. Actes de la 9e Semaine philosophique de Kinshasa du
1er au 07 décembre 1985, Kinshasa, Faculté de Théologie Catholique de
Kinshasa, 1985, p. 305.
[74] Faustin-Jovite MAPWAR Bashuth
(dir.), Le discours socio-politique des Evêques de la CENCO, in «Eglise et société», Tome 2 :
Messages, déclarations et points de presse des Evêques de la CENCO (1996-2006)
et la transition politique, Facultés catholiques de Kinshasa, 2008, pp.
175-176.
[75] AMBONGO B., Pour une éthique de développement intégral,
Romae, Pontificia Universitas Lateranensis, 1995, p. 130.
[76] ELA Jean - Marc, De
l'assistance à la libération. Les tâches actuelles de l'Eglise en milieu
africain, Kinshasa, Editions de l'Epiphanie, 1981, p. 22.
[77] PENOUKOU Efoi Julien, Eglises
d’Afrique. Propositions pour l'avenir, Paris, Karthala, 1984, p. 60.
[78] Cf. Conférence Episcopale du
Zaïre, Le chrétien et développement de la
nation, Op. Cit, p. 81, n° 189.
[79] Cf. NKINGA BONDALA Louis, Mgr,
La problématique de la promotion humaine au Congo, in «Vivre aujourd’hui» n°10, Editions l’Epiphanie, Kinshasa-Limete,
1998, p. 3.
[80]
Cf. Ecclesia in Africa, n° 6.
[81] Cf. CENCO, Quel avenir pour le pays ?, Op. Cit, n° 22-23.