jeudi 31 mai 2012

MEDITATION DE LECTURES DOMINICALES DES ANNEES LITURGIQUES



I. Dimanches de l’année A

I.1. Deuxième dim de l’Avent : Is 11, 1-10 ; Rm 15, 4-9 ; Jn 3, 1-12

A. Le plus grand des fils des hommes
La figure de Jean Baptiste que l’Eglise nous présente en ce deuxième dimanche de l’avent augure et suggère déjà une des attitudes, mieux une valeur morale, que le chrétien devra adopter en ce temps de l’avent à savoir l’humilité. Elle est dédoublée d’une autre attitude, qu’on peut mépriser à tort, la simplicité. Ces deux qualités font corps et esprit chez jean baptiste. Le terme humilité est à rapprocher du mot humus (terre) qui en est la source étymologique, et qui a donné par ailleurs le terme homme, à se rappeler qu’il est poussière (ou littéralement : «fait de terre» c’est-à-dire de la matière la plus commune entre les hommes). Ceci indique aussi que l’humilité est une attitude proprement humaine, et de fait si l’homme n’est pas le seul être dont on puisse dire qu’il fut tiré du limon, il est bien le seul à le savoir. Mais au-delà de la matière (terre, humus), le terme d’humilité renvoie en effet à l’idée d’une provenance étrangère, d’une puissance à être son autogenèse ; à l’idée d’une incapacité à s’accomplir par ses seules forces ; en une idée, il s’agirait d’avouer qu’il n’est rien en nous, hormis nos manquements et nos fautes, que nous puissions nous attribuer à nous-mêmes, à nous seuls.
      L’humilité est une valeur essentielle à la recherche de la sainteté et de la cohésion sociale (Mt7, 9) ; elle correspond au sentiment que nous ne sommes presque rien à coté de Dieu et que nous lui devons notre soumission. C’est justement ce sentiment qui convie …. «Jérusalem, toute la Judée et toute le région du Jourdain…» (Mt3, 5) à aller vers la voix qui appelle à la conversion. Un mouvement important dans la recherche du bien. Pour nous chrétiens, la recherche de l’humilité répond au message du Christ dans les béatitudes (Mt5, 1-12) et à d’autres passages de la bible, comme Luc 13, 22-30(entrer  par la porte étroite).
      La grandeur de jean se matérialise même dans sa relation avec le monde et dans l’usage qu’il en fait. Il s’identifie d’abord comme la voix qui crie dans le désert (Mt3, 3), mais une voix qui doit se faire entendre dans ce qu’elle proclame : la conversion. Ainsi, la conversion, suppose d’abord l’humilité et celle-ci la précède. Les deux nous font reconnaître notre état en vue de prendre une décision et une option de vie. Jean fut un grand prophète faisant la jonction entre l’ancien et le Nouveau Testament ; c’est lui qui a préparé la venue du sauveur, qui a aplani sa venue et nous a aussi invités à le faire en ce temps. Et beaucoup de gens accouraient vers lui pour recevoir le Baptême de conversion. Mais voici qu’il s’abaisse (l’humilité) jusqu’à avouer que«…je ne suis pas digne de retirer ses sandales» (Mt3, 11). Disons qu’il n’existe pas d’état de vie qui ne demande pas de conviction ; surtout si nous la comprenons comme la remise en ordre, la restauration de l’ordre de la création. Une vie en harmonie avec Dieu et son prochain, fuir sa colère, etc.

B. L’Avent pour une triple réconciliation
           
L’Avent, Adventus en latin, signifie avènement. Plus qu’une simple attente, l’Avent invite le chrétien à concentrer ses énergies sur l’avènement du Christ.
            Comme d’autres textes liturgiques de l’avent, l’Evangile de ce dimanche insiste particulièrement sur la conversion, entendue comme "metanoia", changement de mentalité, changement dans la façon de penser et d’agir (cf. Mt 3, 1). Il va de soi qu’une véritable conversion débouche sur la réconciliation. Les textes de ce 2ème dim en parlent suffisamment (cf. Is 1, 1-10 ; Rm 15, 4-9 ; Mt 3, 1-1-12). Cependant, durant l’avent, outre la réconciliation avec Dieu et avec le prochain, un accent particulier est mis sur la réconciliation avec la création, la nature, l’environnement. L’on sait que le plus grand refrain de l’avent s’inspire largement du travail du cantonnier : «Préparez le chemin du Seigneur, rendez droit ses sentiers» (Mt3,3). Au-delà de la connotation spirituelle qu’on ne peut dénier à ce verset, il reste vrai que, pris littéralement, ce passage des Ecritures ne peut pas interpeller le chrétien qui vit dans une société où l’état des routes laisse encore à désirer nonobstant les efforts consentis ça et là. L’Avent nous invite ainsi à la réconciliation sous une triple dimension : avec Dieu, avec les humains et avec notre environnement. Le dimanche prochain (càd 3ème dim de l’Avent), le prophète Isaïe nous rappellera qu’au retour de l’exil à Babylone, le désert va fleurir et exulter (cf. Is35,1). Comme quoi, l’avent engage le chrétien dans une dynamique de réconciliation qui implique la nature, l’environnement.
            Y a-t-il encore, dans notre société, des lieux où la nature est aménagée et exploitée avec sens de responsabilité au point de dire qu’il fait beau vivre ici ? Les immondices qui inondent nos villes, des tranchées puantes, des routes délabrées, nos forêts dévastées sauvagement ….ne sont-ils pas la conséquence du manque d’harmonie entre l’homme et son Dieu, entre l’homme et ses semblables ? Au début de la création, quand l’homme entretenait une relation harmonieuse avec son Dieu et avec son semblable, il habitait alors dans un beau jardin…(cf. Gn2, 7-8). Et quand vint le péché, même l’environnement se révolta contre l’homme : celui-ci fut chassé du jardin  (Cf.Gn3, 23). La rupture avec Dieu entraîne la rupture avec l’environnement tout comme la réconciliation avec Dieu implique la réconciliation avec l’environnement. Ainsi, il est surprenant que dans une société à majorité chrétienne, les gens vivent dans un environnement mal entretenu. La réconciliation avec Dieu et avec le prochain, ne devrait-elle pas pousser le chrétien à travailler pour donner à l’environnement son éclat de jardin d’Eden, signe d’harmonie entre l’homme et son Dieu ?

I. 2. Troisième dim de l’Avent : Is 35, 1-6.8.10 ; Jc 5,7-10 ; Jn 11, 2-11
I.2.1. Qu’est-ce que le chrétien attend de Dieu ?
         Ce troisième dimanche de l’Avent nous met en face de ce que nous comprenons de la mission du Christ attendu, préparé et venu en ce monde, de celle qu’il nous confie et de celle qu’il confie à notre entourage. Après notre catéchisme nous nous sommes fait, à nos propositions, une idée autour de Dieu, de son fils et de ce que nous deviendrons dans l’état actuel du chrétien. Ceci n’est pas le seul apanage du possible doute de Jean-Baptiste ou de ses disciples. Ce doute, il est vrai, sur la question « d’identité» de celui qui doit venir et qui est déjà très présent dans nos vies peut subsister au dépend des évènements heureux ou malheureux de notre vie. Pas seulement pour nous-mêmes ; notre entourage peut y contribuer en beaucoup.
            De tout temps, les prophètes de Dieu ont été cet instrument qui montre aux hommes comment vient et doit être vécu le Royaume de Dieu ; par la parole et les actes qui rendent  bien la vie d’ici bas. Une bonne attention aux paroles et actes de ces prophètes peut susciter notre attention pour finir par découvrir que ce que nous attendons de la venue de ce royaume n’est pas entièrement extérieur à nous. Il n’y a pas non plus des privilégiés anticipés, sinon tous ceux qui ont des yeux ouverts sur la réalité de la vie au quotidien. « Es-tu celui qui doit venir ou devons-nous en attendre un autre ? »(Mt11, 3)., insinue autres interrogations en d’autres temps : qui doit venir ?Que doit-il faire ?( quelles tâches lui assignons-nous dans notre vie) ? Pour qui doit-il venir ? En quel moment ?Il est vrai que l’authentique auteur de cette question (Jean) connaissait merveilleusement bien Jésus, plus qu’un cousin, comme "l’agneau de Dieu qui enlève le péché du monde"( Jn1, 29) ; celui dont il n’était "pas digne de délier les lacets de ses sandales "(Mt1, 7) ; celui qui devrait 'grandir' pour que lui ' diminue'( Jn3, 30) et avec cet autre témoignage : 174 j’ai vu l’Esprit qui descendait du ciel sur lui comme fait la colombe, et il est resté sur lui» ( Jn1, 32). ..Avait-il subitement eu des doutes sur toutes ces présentations à cause uniquement de sa prison au motif de la vérité ? Puisque autrement, l’Evangile (bonne nouvelle) de Jésus Christ n’apportait pas jusque là espérance et dignité voulue au précurseur ? L’expérience à la quelle Jean Baptiste fait convier ses disciples qui ont semblé ne trouver en Jésus qu’un imitateur de leur maître devrait les avoir édifiés que deux d’entre eux finirent par devenir disciples du Christ ( Jn1, 35-37). Comme il n’a jamais été impossible d’être surpris par la personne qui nous connaît le mieux, de douter sur nos capacités notre sincérité, notre sens de devoir…Il est aussi possible que les chrétiens aujourd’hui encore, après près de deux mille ans d’incarnation, doutent, par la force des événements, de la présence du Christ et de Dieu dans leur vie : qu’allons-nous alors chercher dans nos Eglises ? Le message ou le messager ? La grandeur ou l’humble reconnaissance de la présence de dieu parmi nous et en nous ? Le Christ ou le pasteur ?

I.2. Neuvaine de préparation à Noël
16décembre : Textes à méditer : Ps 80 ; Is 40, 3-5.9-11
ORAISON : Ô Jésus, je vous offre l’amour de votre Très Sainte Mère, Notre-Dame du Magnificat. O Mère du Verbe, enseignez-moi à moi, comme vous, l’Enfant Jésus, notre Sauveur.
Notre Père, 3 Ave Marie, Gloire au Père.

17décembre : Textes à méditer : Ps119 ; Si24, 3-13.17-20
ORAISON : Ô Saint Enfant  Jésus, je vous aime par votre Sainte Mère. Donnez-nous d’être des âmes saintes vivant sous son regard, donnez-nous votre Cœur pour vous aimer comme votre Mère Immaculée.
Notre Père, 3 Ave Marie, Gloire au Père.

18décembre : Textes à méditer : Ps25 ; Is 2, 2-5
ORAISON : Enfant Jésus, Verbe incarné, cachez-nous sous le manteau protecteur de votre Sainte Mère. Rendez la paix aux foyers éprouvés, transformez-les en véritable Nazareth de l’Amour Infini.
Notre Père, 3 Ave Marie, Gloire au Père.

19décembre : Textes à méditer : Ps 85 ; Is 11, 1-5
ORAISON : Ô Jésus, Amour Infini, embrassez nos coeurs de vos flammes d’amour, faites de nous de dociles enfants, humbles serviteurs, toujours heureux de vous servir en servant notre prochain.
Notre Père, 3Ave Marie, Gloire au Père.

20décembre : Textes à méditer : Ps 118, Ap3, 7-8.11-12
ORAISON : Ô Saint Enfant Jésus, revêtez nos âmes des vertus d’humilité et de charité qui vous sont si chères et rendez-nous chaque jour vos humbles frères et sœurs, apôtres de l’amour Infini.
Notre Père, 3Ave Marie, Gloire au Père.

21décembre : Textes à méditer : Ps34 ; Is 9, 1 ; 60, 1-5a.19
ORAISON : Seigneur Jésus, aidez-nous à observer vos commandements jusqu’à votre manifestation qui fera paraître Dieu, votre Père, le Roi des rois, le Seigneur des seigneurs.
Notre Père, 3Ave Marie, Gloire au Père.

22décembre : Textes à méditer : Ps 24 ; Jr29, 11-14
ORAISON : Ô Jésus, je suis la petite âme d’amour qui vous suit de Bethléem au Calvaire. Soyez ma protection perpétuelle sur la terre.
Notre Père, 3Ave Marie, Gloire au Père.

23décembre : Textes à méditer : Ps72 ; Is 7, 14-15
ORAISON : Ô Très doux Jésus, Lumière éternelle, Sanctuaire de la divinité, cachez-nous dans votre cœur et faites de nous des témoins fidèles de la vérité.
Notre Père, 3Ave Marie, Gloire au Père.

24décembre : Textes à méditer : Ps 89 ; Is 9, 1-2.5-6
ORAISON : Ô Enfant Jésus, dissipez les orages de l’erreur et les guerres. Faites luire l’arc-en-ciel divin en signant une alliance nouvelle avec nous, vos cadets.
Notre Père, 3Ave Marie, Gloire au Père.

I. 3. Quatrième dim de l’Avent : Is7, 10-14 ; Rm 1, 1-7 ; Jn 1, 18-24
I.3.1. La virginité de Marie
         Aujourd’hui l’Eglise notre mère, célèbre le 4è et le dernier dimanche de l’avent. Nous sommes à la porte des festivités de Noël, la naissance de notre Seigneur Jésus-Christ. Par amour pour les hommes, «Dieu a envoyé son Fils» (Ga 4,4), mais pour Lui (« façonner un  corps» ( He 10, 5), il a voulu la libre coopération d’une créature. Pour  cela, de toute éternité, Dieu a choisi, pour être la Mère de son Fils, une fille d’Israël, une jeune juive de Nazareth en Galilée, « une vierge fiancée à un homme du nom de Joseph, de la maison de David, et le nom de la vierge était Marie» (Lc1, 26-27). La virginité de Marie est assez clairement affirmée dans les Ecritures, comme signifiée dans l’évangile de ce quatrième dimanche de l’Avent. Nous savons que selon l’enseignement de l’Eglise, Marie a été vierge avant, pendant et après la naissance de son fils. Cette virginité de Marie, avant et après la naissance du Messie, souligne le caractère unique de l’Enfant qui est né. En répondant à l’appel du Père, Marie a été couverte par l’ombre de l’Esprit Saint, afin que l’Enfant à naître fut à la fois vrai Dieu et vrai homme. Son humanité lui venait de sa Mère, sa divinité, du Saint Esprit. Cette naissance unique nous rappelle ce qui peut se passer quand un être humain coopère avec le plan divin.
            Depuis les temps anciens, nous savons que l’Eglise a invoqué Marie toujours vierge. Pourquoi sa virginité perpétuelle est-elle si importante ? Parce que cet aspect de la doctrine met en relief le caractère unique de la vocation de Marie. Elle n’était pas destinée à être la mère de nombreux fils, mais la mère du Fils unique qui serait le premier-né de nombreux frères. Qu’est-ce à dire ? Marie a donné naissance au Christ et par lui à l’Eglise. Sa maternité  physique a été étendue à l’Eglise par une maternité spirituelle. Ainsi Marie est-elle mère du Christ mais aussi, comme l’a dit le Pape Paul VI, Mère de l’Eglise. Notre-Dame a été la première et la meilleure parmi les chrétiens pour nombre de raisons, mais deux vertus font d’elle le modèle idéal à imiter pendant l’Avent. Elle a su attendre patiemment que Dieu agisse dans sa vie, et elle lui a été fidèle depuis le moment où le Saint Esprit est venu visiter l’Eglise à la Pentecôte. Mère de l’humanité, elle nous offre sa vie comme exemple de ces vertus à pratiquer pendant l’Avent. La vierge Marie nous montre le caractère unique du Christ, vrai Dieu et vrai homme, digne de notre adoration et de notre louange. Lui que nous nous préparons à accueillir comme celui qui vient à nous dans l’Eucharistie, de même qu’il est venu à nous autrefois à Bethléem. En tant que Dieu, le Christ n’a pas eu de commencement, mais comme homme, il a eu à naître ; et c’est ce que nous raconte cet évangile de Matthieu. Marie a formé le corps de Jésus : elle est vraiment  sa mère. Et comme Jésus est homme et Dieu, Marie est donc aussi réellement la mère de Dieu.

I.3.2. Bref commentaire sur la généalogie de Jésus
         « Voici quelle fut l’origine de Jésus Christ»(Mt1, 18). C’est la deuxième fois que Matthieu parle de l’origine de Jésus. Il y a déjà fait allusion tout au début de son évangile. « Livre de la genèse de Jésus»(Mt1,1). Dans le premier récit, Abraham est la première personne mentionnée sur la liste (Cf.Mt1, 2) ; tandis que dans le second, c’est le nom de Marie qui ressort au premier plan (Cf. Mt1, 18). C’est que la fonction d’Abraham dans l’Ancien Testament est comparable à celle de Marie dans le Nouveau Testament.

I.3.2.1. Abraham, David et Jésus
A en croire Matthieu1, 17, entre Abraham et Jésus, il y a 12 générations, soit 14 fois 3. Le fait de répartir en 3 les générations reliant Jésus à Abraham n’est pas un fait de hasard. Selon la gématrie biblique, 3 est le chiffre de la Trinité, mieux encore de la Divinité. En effet, Dieu est 3 fois saint (Cf. Is6, 3 ; Ap4, 8). Quand au chiffre 14, il résulte de 2fois 7, 7étant le chiffre de la perfection (Cf. Mt18, 22 ; Ap2, 1 ; 3, 1…). Ainsi, le chiffre 14(2fois7) exprime la relation parfaite existant entre Jésus et les différentes générations issues d’Abraham. Comme quoi, l’Incarnation du Fils de Dieu n’est pas une illusion : il a vraiment pris notre chair, s’insérant de manière parfaite dans une famille humaine. Par ailleurs, il convient de noter que si David se situe à 14 générations d’Abraham, Jésus est à 14fois3 générations du même patriarche. Mathématiquement, Jésus est donc 3fois plus grand que David. Qu’est-ce à dire ? Si le Fils de Dieu a intégré parfaitement une généalogie humaine, il est pourtant différent des autres humains. C’est pourquoi, il dépasse de loin (3fois) David. Le chiffre 3 évoqué ici indique déjà la divinité de Jésus, à laquelle Matthieu fait explicitement allusion dans le récit suivant (Mt1, 18-25).

I.3.2.2. Marie et Jésus
            Dans le deuxième texte sur l’origine de Jésus, c’est Marie qui est en premier lieu (Cf. Mt1, 18). Il convient de noter que dans ce passage, le nom de Marie apparaît avant celui de son époux, Joseph. Que le nom d’une femme soit cité avant celui de son mari dans une culture à prédominance masculine, cela ne peut que susciter la curiosité. Sans doute, Matthieu veut établir un parallélisme entre Abraham et Marie. De même que le nom d’Abraham figure en tête du premier récit de l’origine de Jésus (Cf. Mt1, 2) ; de même, Marie est la première personne citée dans le second récit (Cf. Mt1, 18). Ainsi, si Abraham est considéré comme Père des croyants dans l’Ancien Testament ; Marie est, à juste titre, Mère du peuple du Nouveau Testament. C’est d’elle que le Messie a pris la chaire humaine. « Il a pris chaire de la Vierge Marie», disons-nous dans le Credo. Par conséquent, une bonne préparation à la fête de Noël passe par la dévotion mariale, l’attachement à celle qui détient le secret du Seigneur, l’ayant porté pendant neuf mois dans son ventre.

I. 4. De la nativité du Seigneur
A. Messe de nuit : Is, 9,1-6 ; Tt2, 11-14 ; Lc2, 1-14
 B. Messe du jour Is52, 7-10 ; He1, 1-6 ; Jn1, 1-18

I. 4.1. Noël : Dieu recrée l’homme
         En cette année, Noël nous replonge dans le mystère de la création que Dieu, dans sa toute bonté, a voulu régénérer en « déifiant » l’homme. «Au commencement était le verbe, la parole de Dieu, et le verbe était auprès de Dieu, il était au commencement auprès de Dieu». C’est ce commencement  de la création que Dieu veut rétablir avec la naissance virginale de son fils, et l’Eglise, à la suite des écritures nous enseigne que Jésus est conçu du Saint Esprit dans le sein de la Vierge Marie parce qu’il est le nouvel Adam qui  inaugure la création nouvelle : «Le premier Homme, issu du sol, est terrestre ; le second homme, lui, vient du ciel » (1Co15, 47). Noël est alors la fête de la nouvelle création de chaque chrétien qui croit au mystère de l’incarnation du verbe éternel du Père par qui «tout s’est fait et rien de ce qui s’est fait  ne s’est fait sans lui» (Jn 1,3). L’humanité du Christ (qui déifie l’homme) est depuis son commencement, lui aussi, rempli de l’Esprit Saint ; puis que Dieu «lui donne l’Esprit sans compter» (Jn3, 34). Et saint Jean affirme que c’est de sa plénitude, lui comme tête de l’humanité rachetée, que «nous avons reçu grâce après grâce» (Jn 1, 16) ; ceci s’inscrivant dans le projet éternel de Dieu qui a voulu que son fils naisse d’une vierge. Les raisons qui peuvent expliquer ce choix de Dieu se trouvent liées à la personne du Christ et à la mission rédemptrice du Christ. La participation à la vie divine ne vient pas«du sang, ni du vouloir de chair, ni du vouloir d’homme, mais de Dieu» (Jn1, 13).
            Avec Noël, l’homme retrouve la paix originaire qui était au commencement de la création de toute chose. Cette paix que le péché a longtemps ternie en défigurant l’image de Dieu imprégnée sur l’homme ; si bien que Dieu ne se reconnaît plus en son image partagée. L’homme qui s’était exilé à cause de son péché se voit «amnistié» pour qu’il retrouve son lieu, sa cité véritable, son visage authentique. Ceci nous invite à une joie immense, la joie de voir «de nos yeux le Seigneur qui vient» refaire nos ruines, qui vient nous consoler et nous racheter (Is52, 8). Aussi, l’accueil de cette vie doit se faire, à l’exemple de Marie, d’une manière joyeuse et virginale, c’est-à-dire, pure ; loin du syncrétisme religieux ; c’est le sens même de la vocation humaine. Si nous pouvons considérer à raison que la démarche de Dieu est la plus importante dans cette restauration de l’humanité, du fait qu’il est Dieu, nous devons aussi accepter que nous restons des débiteurs qui doivent des efforts énormes pour se rapprocher de celui qui peut effacer notre dette de façon définitive et juste. Ainsi, nous pourrons devenir des cohéritiers du Christ qui ne nous parle plus de façon fragmentaire, mais accomplis. De façon que nous resplendissions aussi, comme Christ, de la gloire du Père, et que nous exprimions parfaitement son être (He1, 3). Figurons nous que l’objectif de cette restauration c’est que le Père nous dise, grâce à son verbe éternel, «Tu es mon fils, aujourd’hui je t’ai engendré» (He 1, 5).

I.4.2. Cet enfant qui nous réveille de nos torpeurs
         Pour le Père Roger WAWA[1], il n’y a aucun nouveau-né qui laisse ses parents tranquilles. Quand la femme attend famille, le couple s’agite pour préparer la maternité : il faut revoir le budget à la hausse, il faut prévoir l’un ou l’autre article indispensable à la maternité…tout se fait en fonction de l’enfant qui va naître. Et à la naissance, l’enfant perturbe l’ambiance habituelle de la famille : si sa présence apporte la joie, ses pleurs interrompent le sommeil de ses parents et suscitent parfois des inquiétudes.
            Ce qui se passe chaque fois qu’une famille humaine accueille un nouveau-né nous permet de mieux saisir la portée du mystère de l’Incarnation : Dieu qui se fait homme, Dieu qui a choisi de naître dans le monde et dans le cœur de chacun de nous, vient nous contraindre à un nouveau style de vie. Comme la présence du  nouveau-né impose é impose à ses familiers un nouveau mode de vie, ainsi la naissance de l’Enfant Jésus perturbe notre style de vie habituel et nous contraint à adopter une nouvelle manière de vivre face à Dieu et face aux hommes.
            Le fait que Jésus est né durant la nuit est plein de signification. L’Enfant jésus réveille ceux qui dorment. En fait, la nuit, c’est l’heure du repos, l’heure où l’homme, fatigué par le poids de la journée, s’endort les poings fermés. Et c’est durant ce temps que Dieu choisit de naître dans le monde. Sa naissance ne laissera  pas les hommes tranquilles : déjà les bergers quittent leurs brebis pour aller saluer l’heureux événement, les mages quittent leurs pays pour Bethléem, les bêtes sont délogées de leur étable au profit de l’enfant. Sa naissance bouleverse les projets des hommes. Jésus est ce bébé nocturne dont les pleurs réveillent ses familiers. Jésus est ce nouveau-né qui ne nous laisse pas dormir tranquillement sur nos oreillers. Jésus est venu nous réveiller du sommeil de toutes formes. Beaucoup d’entre nous se sont endormis paisiblement sur l’oreiller de l’injustice, de la corruption, de la violence, de la haine, de la débauche, du mensonge, de la gourmandise…
Noël, c’est l’heure de se réveiller de toutes ces torpeurs ! La paresse qui empêche l’homme de faire des progrès considérables dans la vie spirituelle, l’égoïsme qui empêche de servir d’abord les intérêts de notre pays, la duplicité, l’hypocrisie, la médiocrité…sont là quelques formes de léthargie qui plongent  notre société dans les ténèbres du péché. L’Enfant Jésus est né dans la nuit de notre monde, dans la nuit de nos cœurs, pour tirer une sonnette d’alarme. Une sonnette qui nous secoue ! Celui qui l’enfant ne peut que se réveiller pour embrasser le chemin qui conduit au salut. Joyeux Noël

I. 5. Dimanche de la Sainte Famille
Sir 3, 2-6.12-14 ; Col 3, 12-21 ; Mt 2, 12-23
I. 5.1. La vie de la Sainte Famille à Nazareth
            L’Eglise notre mère célèbre aujourd’hui la solennité de la Sainte Famille. La famille a son origine dans l’amour même du Créateur pour le monde crée, comme il est déjà dit« au commencement», dans le livre de la Genèse (1, 1). Dans l’Evangile, Jésus le confirme pleinement : «Dieu a tant aimé le monde qu’il a donné son fils unique» (Jn 3, 16). Le fils unique, consubstantiel au Père, Dieu, né de Dieu, lumière née de la lumière, est entré dans l’histoire des hommes par la famille : par son incarnation, le Fils de Dieu s’est en quelque sorte uni lui-même à tout homme. Le Christ est né d’une famille humaine, formée de Joseph et de Marie ; il a travaillé avec des mains d’homme, il a aimé avec un cœur d’homme. Né de la vierge Marie, il est vraiment devenu l’un de nous, en tout semblable à nous, hormis le péché. La réalité dominante de ce que fût la vie de Jésus, Marie et Joseph dans leur petite ville de Nazareth où Joseph exerçait le métier de charpentier, c’est la simplicité. Bien que d’ascendance illustre par ses ancêtres, puisqu’elle descendait du roi David, la Sainte Famille menait, au milieu d’une nombreuse parenté, la vie d’un foyer modeste, ni pauvre ni riche, gagnant à la sueur de son front le pain quotidien et respectant les lois administratives et sociales de son peuple.
            Rythmée par la prière commune à la synagogue, les rites et les nombreux fêtes religieuses du judaïsme (le rite de circoncision, la fête des tentes, …), la vie de prière de la Sainte Famille était extérieurement celle de tout bon Israélite pratiquant de l’époque. Pourtant, derrière la modestie de ce comportement respectueux des us et coutumes de sa culture, la Sainte famille vivait une réalité tellement grandiose, que seuls silence et discrétion pouvaient assurer au Foyer de Nazareth la sérénité nécessaire au développement du plan de Dieu : donner naissance au Messie tant attendu depuis des siècles par le peuple hébreu, Jésus, le Christ- Sauveur du monde, et veiller sur son enfance et son adolescence jusqu’à ce qu’Il atteigne sa pleine maturité d’homme et puisse commencer sa vie publique et la prédication de son Evangile. La Sainte Famille menait donc à Nazareth une vie à la fois ordinaire extérieurement mais profondément emplie de la béatitude des Justes entre les justes, intérieurement. Marie et Joseph ne vivaient –ils pas quotidiennement  au chevet de la Sagesse elle-même : le Verbe incarné ? C’est en effet dans l’humble demeure de Nazareth que commencèrent à se dérouler, entre les membres de la Sainte Famille, les premières pages de ce Nouveau Testament que le Ciel, en son Verbe fait chair, est venu donner aux hommes, par amour et pour le salut de tous. Le témoignage du Christ et de ses parents montre aussi l’immense rayonnement que peut atteindre une vie familiale commune vécue en Dieu, dans la simplicité et dans un grand amour partagé.

I.5.2.  Marie et Joseph, un couple, deux personnalités
            Les réalités vécues par cette Famille sont relatées brièvement dans les évangiles de Matthieu et Luc. Chez Luc, l’attention est surtout mise sur Marie, la Mère de Jésus. Dès le début de l’histoire de la Sainte Famille, c’est Marie qui apparaît au premier plan (Cf. Lc 1, 26-27). A la naissance de l’Enfant, c’est encore Marie qui joue un rôle central. Les bergers qui se rendent en hâte à Bethléem pour visiter l’enfant remarqueront d’abord Marie avant Joseph. C’est probablement un indice qui montre l’importance capitale que Luc  accorde à la mère de Jésus.

I.5.2.1. Joseph, le gardien de la Sainte Famille.
En lisant les deux premiers chapitres de Luc, l’on serait tenté de dire que Joseph est un timide, un vrai lâche qui disparaît derrière la figure imposante de sa jeune épouse Marie. Mais ce ne serait là qu’une vision trop partielle de la réalité. En effet, l’évangéliste Matthieu complète le tableau dressé par Luc en montrant comment joseph intervenait énergiquement dans les moment les tragiques de la sainte Famille. C’est ainsi que dans le premier C’est ainsi que dans le premier évangile l’annonciation sera faite à Joseph (Cf.. Mt1, 20) et non à Marie. En plus, c’est lui qui est le sujet principal dans la plupart des épisodes de l’enfance de Jésus. Alerté par l’ange, il décide de prendre chez lui Marie, sa femme (Cf. Mt1, 24) ; il prend l’enfant et sa mère pour fuir en Egypte (Cf. Mt2, 13), et plu tard, il les ramènera dans la terre d’Israël (Cf. Mt 2, 19-22). Toujours alerté par l’ange, Joseph décidera de s’installer avec sa famille à Nazareth, loin d’Archelaüs, roi sanguinaire qui régnait en Judée (Cf. Mt2, 22-23). Finalement, l’on découvre, non pas un timide et lâche, mais un homme, discret, capable d’agir efficacement dans les moments tragiques de la sainte famille.

I.5.2.2. Joseph, l’homme des situations difficiles.
            En lisant attentivement Matthieu 1-2, il y a lieu de dire que Joseph était l’homme des situations difficiles. Si Marie savait intervenir spontanément pour résoudre les problèmes courants de la famille, Joseph était plutôt discret mais décisif dans les moments tragiques de la famille. Il intervient surtout quand la survie de la famille est menacée. Face aux projets machiavéliques d’Hérode et à la présence d’ Archelaüs en Judée, il prend l’heureuse et laborieuse initiative de se réfugier avec sa famille en Egypte, et puis à Nazareth. Dans notre société où la femme, très habile dans le commerce informel, devient de plus en plus la plaque tournante de la famille, l’homme a souvent tendance à démissionner de sa tâche de responsable principal de la famille. L’exemple de Joseph constitue une forte interpellation. L’époux,  le père de la famille, n’oubliera jamais qu’il demeure, dans tous les cas, le dernier rempart de la famille dans les situations les plus difficiles de la famille.

I. 6. Epiphanie du Seigneur
Is 60, 1-6 ; Ep 3, 2-3a. 5-6 ; Mt 2, 1-12
I.6.1. Jésus se fait connaître par des signes

            Nous célébrons la solennité de l’épiphanie du Seigneur, la manifestation de Jésus au monde. Après la fête de Noël et du Nouvel An, tournons notre regard, en ce début de l’année, avec les rois mages qui représentent toute l’humanité, vers l’enfant-roi. Tombons à genoux dans la prière, ouvrons-lui notre cœur, demandons-lui de recevoir les présents de notre bonne volonté, mais aussi notre pauvreté. Jésus se révèle souvent à nous par des signes. Il y a bien des signes que nous avons à rencontrer comme les Mages ont reconnu dans cette étoile nouvelle un signe…ils ont étudié, ils ont réfléchi, ils se sont consultés entre savants astrologues, etc. enfin, leurs recherches n’avaient qu’un but : correspondre à ce signe…Très souvent nous disons, chacun a son étoile…cette étoile pour chacun c’est la mission qui nous est réservée de toute éternité…levons les yeux pour suivre vaillamment le chemin que notre étoile nous indique.
            Le mystère de l’incarnation, que nous contemplons en ces jours, est le cœur de notre foi : Dieu se fait homme afin que l’homme devienne Dieu. En ces temps de bonnes résolutions pour commencer l’année nouvelle, demandons-nous si nous croyons réellement en la présence de Dieu dans ce petit enfant et si nous acceptons de suivre l’étoile de la grâce pour découvrir Jésus, là où, apparemment, dans une pauvre crèche, nous n’aurions pas pensé qu’il se manifesterait au monde. Sommes-nous prêts à remettre en question notre conception d’un Dieu fort et puissant, ou encore à lui offrir ce qui nous sépare encore de lui, à savoir nos péchés ?
            En entrant dans la maison, ils virent (les rois mages) l’enfant avec Marie, sa mère et ils tombèrent à genoux et se prosternèrent devant lui (Mt2, 11). Ils offrirent leurs présents, ce qu’ils avaient emmené pour lui. Après quoi, avertis en songe de ne point retourner chez Hérode, ils prirent une autre route pour rentrer dans leur pays. Aujourd’hui encore des hommes font un long chemin pour découvrir le mystère de la présence de Jésus. C’est bien la manifestation de ce nouvel amour dont nous avons tellement besoin. Ce nouvel amour qui seul peut régénérer l’humanité. Nous sommes tous invités à découvrir ce nouvel amour par l’adoration. Ils regagnèrent leur pays par un autre chemin (Mt2, 12). Cet autre chemin est une conversion à l’amour, c’est la rectification qui est sans cesse à reprendre dans la vie humaine. Si l’adoration dans notre vie est fondamentale, il nous faut cette attitude d’amour permanente pour tout remettre à Dieu sans cesse. La société toute entière doit être transformée dans la paix, la justice et la vérité. Si le feu de l’Amour nouveau prend corps en nous, si nous brûlons comme un grand feu, notre entourage en sera illuminé, cet amour, la lumière de Dieu sera manifestée au monde.

I.6.2. Lumière des Ecritures et silence de l’étoile
Selon une certaine mentalité propre aux gens de l’Antiquité, à chaque naissance d’un homme, une étoile se pointait dans les cieux. Au cas où le nouveau-né est un roi, l’étoile sera beaucoup plus remarquable. Dans De divinationes, Cicéron fait mention de l’apparition, dans les cieux, d’une étoile impressionnante qui correspond au destin d’Alexandre le Grand. En Afrique, les ancêtres établissaient aussi un lien entre les étoiles du ciel et la destinée des hommes sur la terre. C’est ainsi que dans certains milieux africains traditionnels, l’on interprète les étoiles filantes comme signe du décès d’un Roi. Selon  la Bible, le Messie est aussi assimilé à un astre, un sceptre d’Israël (Cf. Nb24, 17). Ce passage du livre des Nombres s’est concrétisé dans l’épisode des mages qui atteindront Bethléem en suivant la trajectoire de l’étoile.
A lire attentivement Matthieu 2, 1-12, il y a lieu de dire que ce qui a permis aux mages d’arriver à Bethléem, ce n’est pas seulement l’étoile, mais aussi la Parole de dieu. En effet, pour aller à Bethléem, les mages ont dû s’inspirer aussi de ce que disent les Ecritures. A la question de savoir où devait naître le Messie, les scribes ont donné une réponse qui s’inspire de la Parole de Dieu, notamment des prophètes : « À Bethléem de Judée, lui dirent-ils…» (Cf. Mt 2, 5). Donc, ce qui conduit auprès de l’Enfant, ce n’est pas seulement l’étoile ; la Parole de Dieu joue aussi un rôle capital dans le voyage des mages. Les Ecritures et l’étoile sont deux réalités inséparables et complémentaires qui ont permis aux mages d’approcher l’Enfant. L’étoile est un élément de la nature, une créature divine…Elle symbolise les événements du monde, les signes de temps et les épisodes de la vie de chacun de nous. De même que les mages ont suivi de près la trajectoire de l’étoile, de même chaque chrétien doit demeurer attentif aux événements du monde et de sa propre vie, en vue d’y déceler la main invisible de Dieu. Le chrétien ne peut demeurer indifférent à l’histoire du monde. Il doit l’interpréter pour y discerner la présence de Dieu.
Outre l’attention aux signes des temps, le chrétien a aussi la mission de lire et d’interpréter la Parole de Dieu. Dans l’épisode des mages, ce sont les Ecritures qui ont nommé la ville de Bethléem comme lieu de la naissance du Messie (Cf. Mt2, 4). L’étoile, tout en indiquant aux mages la direction à suivre, le demeure muette. Ce sont les Ecritures qui parlent.
Au demeurant, pour mieux engager le sens des événements du monde et de notre vie, il convient de les interpréter à la lumière de ce que nous dit la Parole de Dieu.

I. 7. Deuxième dimanche ordinaire
Is 49, 3.5-6 ; Co 1, 1-3 ; Jn 1, 29-34
I.7.1. La confession de Jean-Baptiste.
            La scène qui nous est ici rapportée par l’évangéliste Jean est sans aucun doute un des grands moments qui inaugurent l’ère nouvelle du salut. On pourrait intituler cette scène : «la confession de Jean Baptiste». Nous connaissons tous l’épisode où Jésus, après avoir questionné les Apôtres sur son identité, reçoit la «confession de Pierre» qui proclame, au nom des autres Apôtres, le messianisme de Jésus : Tu es le Messie, le Fils du Dieu vivant (Mt16, 16). Ici, il s’agit de Jean le précurseur qui, mû par une révélation extraordinaire reçue d’en haut, désigne et confesse Jésus comme «le Fils de Dieu».
            En fait, nous assistons ici à la révélation du mystère qui est au cœur même de la fois chrétienne : le mystère de la Sainte Trinité. Jean le Baptiste entend la voix de, celui qui l’a envoyé baptiser, c’est-à-dire le Père, et voit l’Esprit Saint descendre sur lui comme une colombe et désigne Jésus comme «le Fils de Dieu». Cette triple attestation de jean, corroborée par l’insistance qu’il met à dire : j’ai vu…, j’ai entendu …, est en fait la révélation par anticipation du mystère chrétien dans toutes sa densité : le Père a pris l’initiative d’envoyer Jésus son Fils bien-aimé pour enlever le péché du monde, c’est-à-dire sauver  le monde, il donne son Esprit à Jésus son Fils qui, à son tour, nous baptise dans le même Esprit Saint pour faire de nous des êtres nouveaux, animés d’une vie nouvelle et participants de la vie même de Dieu. C’est toute la Trinité, Père, Fils et Esprit que nous contemplons et accueillons aujourd’hui à travers la confession du Baptiste.
            La confession de Jean le baptiste annonce déjà le mystère pascal, où l’Agneau de Dieu sera effectivement immolé pour enlever le péché du monde. Elle contient également l’affirmation de l’origine divine et éternelle de Jésus : «avant moi, il était», rappelant la révélation de Dieu à Moïse : Je suis celui qui est (Ex3, 14). Laissons-nous interpeller par l’admirable et émouvante confession de Jean le Baptiste qui, dans le clair-obscur d’une foi naissante, a su cependant percevoir en Jésus de Nazareth celui qui est sorti du sein du Père avec la puissance  de l’Esprit saint, pour sauver l’humanité des griffes du Tentateur. Mettons-nous résolument à la suite de celui qui baptise nos existences dans l’Esprit Saint pour témoigner par toute notre vie qu’il est l’Agneau de Dieu dont nous proclamons la mort, le sauveur dont nous célébrons la Résurrection et la victoire définitive sur les forces des ténèbres, le Fils de Dieu et le Seigneur dont nous attendons le retour glorieux, en veillant dans la foi et l’espérance. A travers les événements de notre vie, dans nos rencontres comme dans la solitude de notre cœur, sachons reconnaître la présence vivante, vivifiante et agissante de Fils aimé du  Père, et laissons-nous guider par l’esprit vers les sources d’eau vive.

I.7. 2. Voici l’Agneau de Dieu !
            L’expression «Agneau de Dieu», typique de saint Jean, résulte d’un souvenir de la Passion retenu par l’évangéliste. L’on sait que saint Jean était présent au pied de la Croix (Cf. Jn 19, 26). Il n’y était pas en spectateur, mais en vrai disciple, appeler à méditer sur le destin du Maître. D’ailleurs durant la dernière rencontre, il s’était penché vers la poitrine du Maître (cf. Jn13, 25 ; 21, 20), comme pour communier intimement à  la Passion de celui-ci. Pour lui, Jésus est mort comme un agneau. C’est ce souvenir de la passion qui deviendra, par la suite, un titre qu’il appliquera à Jésus.

I. 7. 2. 1. Pourquoi Jésus est-il considéré comme un agneau ?
            L’agneau est le petit de la brebis, celle-ci étant la femelle du mouton. L’image de brebis évoque la doctrine la docilité. En fait, une brebis sans berger se sent complètement impuissante. Elle ne peut même pas traverser la route sans le berger. Mais chez Jean, Jésus n’est pas une brebis ; il est plutôt un agneau, le petit de la brebis. Contrairement à celle-ci, l’agneau est tout petit, et symbolise ainsi la pureté, l’enfance. L’on sait que durant la fête de Pâques, les juifs offraient en sacrifice un agneau d’un an, défaut, sans tache (Cf. Lv9, 3 ; 12, 6 ; Ex12, 5). Le titre d’agneau de Dieu appliqué à Jésus évoque ainsi la docilité ou l’obéissance de Jésus envers son Père (Cf. Ph2, 8). L’agneau, le petit de la brebis symbolise aussi l’enfant. Appliqué à Jésus, le titre d’agneau de Dieu évoque sa douceur (Cf. Mt11, 29), sa pureté (Cf. 1P1, 19) et son innocence devant la mort (Cf.1P2, 21-23).

I. 7. 2. 2. Jésus mourra comme un agneau
            Chez Jean, Jésus entre en scène comme agneau de Dieu, et la quittera également comme un agneau. Le témoignage de Jean Baptiste au début du 4è évangile, à savoir, « voici l’agneau de Dieu» (Jn 1, 29.36), présente le portrait de Jésus dans cet évangile, et annonce aussi la mort tragique qu’il subira le vendredi saint. Dans la tradition juive, l’agneau est l’animal à abattre avant de célébrer la fête de Pâques. Jésus, l’agneau de Dieu, trouvera la mort un vendredi, quelques heures avant la Pâque, au moment où l’on immole les agneaux au Temple. Cette coïncidence entre les préparatifs des festivités pascales et la mort de Jésus (Cf. Jn 19, 14.31) montre bien que celui-ci est mort comme un agneau.
            L’expression «Agneau de Dieu» recèle donc une richesse inouïe. Elle décrit de manière métaphorique la personnalité de Jésus, elle désigne à la fois son obéissance envers le Père, sa douceur, sa pureté ou le refus de toute complicité avec le péché, son abnégation ou l’oubli de soi pour le bien des autres.

I. 8. Troisième dimanche ordinaire
Is 8, 23b-9, 3 ; Co 1, 10-13.17 ; Mt4, 12-23

I. 8. 1. L’appel des premiers disciples

            La péricope de l’évangile que la liturgie soumet à notre méditation en ce 3ème dimanche ordinaire, nous raconte le récit de la vocation de 4premiers disciples. Jean Baptiste a préparé les gens à accueillir  le Messie en leur demandant de changer leur comportement. Il vient de terminer sa carrière. Jésus prend la relève, et il s’installe du côté de la Galilée, le « carrefour des païens» (Mt4, 15). Jésus, oriente déjà son évangélisation du côté des non-juifs. Il veut sauver tous les hommes. Jésus, lumière du monde, vient chasser les ténèbres là où ils se trouvent. Le message de Jésus sera toujours le même : il faut changer son cœur afin de discerner la présence de dieu dans le monde.
            Dès le début de sa vie publique, Jésus veut regrouper une équipe qu’il va instruire et former pour poursuivre son œuvre. Il cherche ses aides «dans le trafic», là où se trouvent les gens ordinaires. Comme il cheminait sur le bord de la mer de Galilée, il vit deux frères qui étaient des pêcheurs, Simon, appelé Pierre, et André son frère à l’ouvrage (Mt4, 18) : des gens travaillants qui ne calculent pas leur temps, des gens habitués à travailler en équipe, des gens simples. Jésus les invite à le suivre afin de les initier à une autre pêche, celle des hommes. Ceux qui prenaient les poissons du fond de la mer sont aptes à prendre désormais des profondeurs des ténèbres des hommes pour les amener à la lumière, c’est-à-dire à Jésus. Pierre et André n’ont pas dû bien comprendre la portée de cette invitation, mais ils sont fascinés par la personnalité de Jésus, et ils s’engagent immédiatement à sa suite. Instinctivement, Pierre et André ont compris que, pour suivre Jésus, il  faut commencer par «tout quitter» pour adopter ses méthodes et ses moyens à lui. Jésus choisit deux autres pêcheurs (Jacques et Jean) qui ont la même «formation» que Pierre et André. Ils possèdent une petite coopérative familiale avec leur Père…Dès que Jésus les appelle,, ils quittent la sécurité du travail et les liens familiaux. Jésus ne cherche pas ses aides parmi les riches, ni les savants,…mais des personnes disponibles, des personnes qui n’ont pas peur de travailler et qui ne comptent pas leurs heures de travail.

 Deux fois deux frères sont appelés
            Cela annonce une nouvelle fraternité enracinée dans la nature créée par Dieu. Immédiatement après le choix des 4premiers disciples, Matthieu nous présente Jésus qui parcourt le pays pour «évangéliser» : il veut montrer à ses disciples ce qu’ils auront à faire plus tard. Quand Jésus nous appelle, c’est pour utiliser nos talents à son service. Donc Simon et André vont continuer à pêcher…mais à la façon du Seigneur. Quand Jésus appelle, il veut qu’on réponde immédiatement («laissant là leurs filets, ils le suivirent») et qu’on abandonne nos anciennes méthodes de travail.

I. 8. 2. La pêche à l’épervier pour le salut de tous !
            Après l’arrestation de Jean Baptiste, Jésus se voit obligé de quitter la Judée pour se retrancher en Galilée.

I. 8. 2. 1. Une tragédie pour une pastorale efficace
            C’est précisément à Capharnaüm, ville située sur le bord du lac, que Jésus  élira domicile. Désormais, le lac de galiléen sera un lieu de grande importance dans son ministère. De même que le fleuve Jourdain était associé au ministère de Jean Baptiste (cf. Mt 3, 6), de même le lac de Galilée sera celui de Jésus. Résidant à Capharnaüm, le Christ choisit le bord du lac de Galilée comme lieu propice pour répandre l’Evangile et pour opérer les miracles. L’on peut avancer deux raisons pour justifier cette option. D’abord, le bord du lac, un lieu populaire, fréquenté par la majorité, lui permettra d’annoncer la Bonne nouvelle à tout le monde. En effet, c’est au bord du lac qu’il rassemblera des foules nombreuses (Cf. Mt 13, 1-2). En plus, le lac est une voie de communication qui permettra à Jésus de voyager d’une ville à l’autre, en se servant d’une barque (Cf. Mt8, 23 ; 14, 13.22 ; 15, 39…). Bref, le choix de Capharnaüm est motivé par une stratégie pastorale qui vise à évangéliser le plus grand nombre possible de gens. Aujourd’hui, l’Eglise s’investit, au jour le jour, dans l’évangélisation par les communications sociales (presse, radio, télévision), dans le but d’actualiser cet idéal missionnaire de Jésus qui consiste à répandre l’Evangile dans les différentes couches de la population.

I. 8. 2. 2. Je vous ferai pêcheur d’hommes
            Ce désir d’annoncer la Bonne nouvelle à tout le monde se reflète aussi dans les paroles adressées par Jésus aux premiers disciples : « …je vous ferai pêcheur d’hommes»(Mt4, 19). L’on sait que Pierre et ses compagnons pratiquaient la pêche au filet ou à l’épervier (cf. Mt4, 18). A la différence de la pêche à l’hameçon qui capture un grand nombre de poissons en une seule opération (Cf. Jn 21, 6). Quand Jésus invite Pierre et André  à devenir «pécheurs d’hommes», ceux-ci savent qu’il ne s’agira pas d’une entreprise de petite ampleur, comme la pêche à l’hameçon. Partant de leur expérience de pêcheurs professionnels, ils sont convaincus qu’ils auront à faire à une entreprise de grande envergure, à portée universelle, à l’instar de ceux qui pratiquent la pêche à l’épervier. Devenir pêcheur d’hommes, c’est en quelque sorte pratiquer la pêche à l’épervier. De même qu’un seul filet peut capturer plusieurs sortes de poissons, de même un seul Evangile peut sauver diverses catégories de personnes, pourvu qu’il soit annoncé en tenant compte des attentes de différentes couches sociales : intellectuels, jeunes, enfants, mariés, pauvres, malades, …c’est de cette façon que l’Evangile deviendra un filet qui capture plusieurs catégories de personnes à la fois.

I. 9. Quatrième dimanche ordinaire
So 2,3 ; 3, 12-13 ; 1Co1, 26-36 ; Mt5, 1-12a

I.9. 1. Les béatitudes
«Il gravit la montagne » (Mt5, 1). : Jésus veut montrer que lorsque ça va mal, il faut se rapprocher de Dieu (gravir la montagne ; lui seul peut guérir). Pour profiter de l’aide du Seigneur, nous devons commencer par nous approcher de lui, devenir ses «disciples», nous mettre à son école…par la prière qui consiste dans un dialogue où nous parlons à Dieu et où nous l’écoutons…
            Les béatitudes (du latin beatitudo, le bonheur) sont le nom donné à une partie du Sermon sur la montagne, rapporté dans les évangiles de Matthieu 5, 3-11 et de Luc 6, 20-23. Jésus décrit des vertus des habitants du Royaume des cieux, et montre comment chacune d’elles sera bénie. Les Béatitudes ne décrivent guère d’individus isolés, mais plutôt les caractéristiques de ceux que l’on considère comme bénis par Dieu. Celui qui est «béni» ou «heureux» : c’est celui qui possède une joie intérieure incapable d’être affectée par les circonstances qui l’entourent. Chacune de béatitudes présente une situation dans laquelle  la personne décrite ne serait pas considérée par le monde comme «bénie», et pourtant Jésus déclare qu’elle est vraiment bénie et d’une bénédiction qui durera plus longtemps que toute bénédiction que le monde est capable de lui offrir.
Nous connaissons tous les béatitudes que les évangélistes Matthieu et Luc ont transcrites pour nous. Elles nous projettent en avant, non pas sur la route de l’obligation, mais plutôt sur le chemin d’une espérance merveilleuse. Nous aspirons tous au bonheur, c’est naturel. C’est le désir le plus profond de chaque être humain. C’est une quête universelle. Mais qui parmi nous peut dire qu’il en possède la clef ? Les évangiles, et particulièrement les béatitudes, nous en fournissent des pistes aussi importantes que lumineuses. C’est en modelant leur vie sur eux que les premiers  chrétiens ont grandi et c’est en suivant leurs enseignements que les premières communautés chrétiennes se sont édifiées. En les voyant vivre, les non-chrétiens ne pouvaient s’empêcher de dire : «voyez comme ils s’aiment». Leur témoignage était si attirant qu’ils donnaient à tous le goût de leur ressembler et de devenir à leur tour chrétiens.
Nous vivons dans un monde parfois bien dur et nous avons besoin, plus que jamais, d’emprunter le chemin du bonheur. Les béatitudes sont tout indiquées  pour que nous vivions un vrai«bonheur d’Evangile». Mettons-nous résolument à l’école du Christ, ne craignons pas de modeler notre vie sur l’Evangile, et vivons à fond les béatitudes. Et nous aurons en partage un bonheur inimaginable, un bonheur qui fera l’envie de tous et qui leur donnera le goût de le vivre à leur tour.

I.9.2. Etre heureux grâce au souffle de Dieu
         Les béatitudes existent aussi dans l’Ancien que dans le Nouveau Testament. On les trouve notamment dans le livre des Psaumes (cf. Ps17, 50 ; 84, 56 ; 119, 1-2 ; 128, 1-2…).

I.9. 2.1. Le croyant et la recherche du bonheur
La présence des béatitudes dans la tradition biblique et dans les apocryphes témoigne de l’étroite relation que le croyant a toujours établie entre la foi en Dieu et le bonheur. Celui qui est fidèle au Seigneur ne peut être que heureux. Aujourd’hui encore, dans notre société, l’on insiste, sans relâche, sur le lien entre la foi et le bonheur. L’on prie en vue d’obtenir un certain bonheur. La religion, au lieu d’être une recherche sincère et constante de Dieu, prend souvent les allures d’une quête du bonheur qui, malheureusement, vise surtout la satisfaction des besoins d’ordre matériel.
            Dans les béatitudes, Jésus  comble l’espoir su croyant d’aujourd’hui : il déclare heureux tout celui qui s’attache à Dieu. Toutefois, il voudrait aussi rectifier notre vision du bonheur : il nous montre que le bonheur, au sens évangélique du mot, se situe aux antipodes de la conception courante du bonheur. Quoi de plus paradoxal que de déclarer heureux un affligé, un persécuté…Et pourtant, c’est cela la vision du bonheur que Jésus nous propose. Il ne s’agit pas d’un bonheur évasif ou d’une promesse illusoire qui pourrait distraire le croyant de ses engagements dans le monde.
I. 9.2.2. Heureux les pauvres par l’esprit
            Il s’agit plutôt de puiser, en Dieu, les forces nécessaires pour mieux vivre. C’est cela d’ailleurs le sens de la première  béatitude : «Heureux les pauvres dans l’esprit…». Certains préfèrent plutôt la traduction suivante : «Heureux les pauvres par l’esprit…» …Par l’esprit ou grâce à l’esprit…En d’autres termes, le «pauvre par l’esprit » est celui qui, grâce à l’esprit de Dieu, dispose  d’une force spirituelle qui lui permet de lutter et de tenir bon dans la vie. Le« pauvre par l’esprit» est pleinement conscient qu’il vit d’une énergie divine grâce à laquelle il peut agir bien au-delà de ses capacités et des attentes humaines. André Chouraqui, qui traduit l’expression «pauvres en esprit» par «humiliés du souffle», abonde dans le même sens. En hébreu, ruah signifie aussi bien souffle que esprit. Un humilié du souffle, c’est celui qui, dépourvu de souffle, ne peut que compter sur le souffle (esprit) de Dieu qui constitue une grande énergie spirituelle pour le croyant.
            En somme, le bonheur du chrétien est dû au souffle qu’il reçoit de Dieu, lequel lui permet d’agir, de lutter, de construire sa vie, au jour le jour, même au cœur des afflictions, des persécutions et de diverses épreuves.

I.9.2.3. Petites béatitudes[2]

Bienheureux ceux qui savent rire d’eux-mêmes : ils   n’ont pas fini de s’amuser.
Bienheureux ceux qui sont capables de se reposer et de dormir sans chercher d’excuses : ils deviendront sages.
Bienheureux ceux qui sont assez intelligents pour ne pas se prendre au sérieux : ils seront appréciés de leur entourage.
Heureux êtes-vous si vous savez admirer un sourire et oublier une grimace : votre route sera ensoleillée.
Bienheureux ceux qui pensent avant d’agir, qui prient avant de penser : ils éviteront bien des bêtises
Bienheureux ceux qui savent distinguer une montagne d’une taupinière : il leur sera épargné bien des tracas.
Bienheureux ceux qui savent se taire  et écouter : ils en apprendront des choses nouvelles !
Heureux êtes-vous si vous savez regarder sérieusement les petites choses et paisiblement les choses sérieuses : vous irez loin dans la vie.
Heureux êtes-vous si vous êtes capables de toujours interpréter avec bienveillance les attitudes d’autrui, même si les apparences sont contraires : vous passerez pour des naïfs, mais la charité est à ce prix.
Heureux êtes-vous si vous savez vous taire et sourire même lorsqu’on vous coupe la parole, lorsqu’on vous contredit ou qu’on vous marche sur les pieds : l’évangile commence à pénétrer votre cœur.

I. 10. Cinquième dimanche ordinaire
Is 58, 7-10 ; 1Co2, 1-15 ; Mt5, 13-16

I. 10. 1. Le rôle du chrétien dans le monde

            Avec ces deux images, Jésus décrit le rôle du chrétien : «Le sel de la terre» (Mt5, 13). Le sel de cuisine donne de la saveur aux aliments. Il faut peu de sel pour assaisonner. C’est quand le sel se dissout qu’il remplit son rôle. Ainsi pour le chrétien. Sa présence dans le milieu doit donner aux gens le «goût» de vivre, d’être meilleurs. Le chrétien n’a pas une influence spectaculaire : il doit «disparaître» (comme le sel qui fond dans le potage) pour laisser Dieu agir par lui. Jésus a bien observé le rôle du sel qui conserve la réalité qui est soumise à son action. Il fait alors un lien si important entre l’action des chrétiens, du Christ, dans l’humanité qui, si elle est livrée à elle-même se décompose si facilement. Mais Jésus apporte immédiatement une autre dimension car notre humanité peut si vite faire centre autour d’elle.
La lumière du monde (Mt5, 14) : On place la lumière dans un endroit élevé, en dehors de la route, pour l’éclairer : la lumière du chrétien doit venir d’«en haut», du Christ, s’il veut illuminer la route des gens qu’il côtoie. C’est lorsque nous sommes privés d’électricité que nous réalisons l’importance de la lumière. La lumière élargit notre horizon en nous faisant découvrir tout ce qui nous entoure. La lumière ajoute de l’intérêt à notre environnement en faisant ressortir les différentes couleurs. Celles-ci disparaissent lorsqu’il n’y a pas de lumière. La lumière nous permet d’éviter les obstacles et nous aide à nous suivre notre route et à travailler en toute sécurité. Ainsi pour le chrétien : il doit être « en dehors» du monde (agir différemment du monde) pour que le monde puisse découvrir l’idéal que Jésus apporte. L’exemple et les paroles du chrétien doivent montrer aux gens la voie à suivre. Le chrétien n’est pas celui qui donne des conseils à tout le monde, à tout propos, mais celui qui témoignage par sa vie. Quand nous sommes au milieu d’un groupe, est-ce que l’atmosphère est meilleure ? Sommes-nous une lumière dans notre milieu ? Ou un éteignoir ? La lumière que nous sommes est importante : si nous sommes une capacité de «500 watts», nous éclairons  davantage ; si nous sommes une « veilleuse», nous aidons les gens à identifier les obstacles durant la nuit. Le témoignage du chrétien est important dans le monde : c’est par lui que Dieu rejoint les cœurs, et donne l’idée aux gens de le suivre.
Bref, le chrétien doit s’efforcer d’être joyeux, patient, accueillant, miséricordieux…et ainsi, les gens qui l’entourent seront portés à l’imiter en suivant Jésus et en rendant grâce à Dieu. Demandons la grâce de l’humilité, comme Jésus que nous sachions nous effacer pour que son œuvre d’amour apparaisse.

I. 10. 2. Sel de la terre et lumière du monde : autres commentaires
            Aujourd’hui, le Christ évoque en langage métaphorique l’identité et le rôle du chrétien dans la société : être sel de la terre et lumière du monde. Sel et lumière …deux réalités auxquelles le chrétien est appelé à s’identifier pour que notre société« resplendisse de la lumière du Christ».

I. 10. 2.1. Etre sel de la terre, quid ?
            Le sel, réputé incorruptible, est symbole de l’alliance (Cf. Nb18, 19), de la sagesse (cf. Col4, 6) ; et, dans le grec, symbole de l’hospitalité. Le sel sert aussi à purifier (2R2, 19-23) et à protéger contre la putréfaction. Déverser abondamment sur du poisson, le sel confère à celui-ci des vertus spéciales pouvant résister à la dégénérescence, à la corruptibilité. L’on comprend dès lors comment, dans une société aussi corrompue que la nôtre, c’est une urgence que de témoigner de l’incorruptibilité à l’instar du sel. Dans le contexte de la Palestine, le sel renvoie aussi au fameux sel de la Mer morte si réputé pour ses vertus thérapeutiques, efficace quand à l’éradication des maladies de la peau,. Saint Luc attribue aussi au sel une fonction relative à la fertilité (Cf. Lc14, 34-35) assurant au moins 7fonctions : l’incorruptibilité, la purification, la guérison, la fécondité, etc.  En plus,  le sel symbolise l’alliance, la sagesse, l’hospitalité. Etre sel de la terre, c’est mener un style de vie marqué par l’incorruptibilité et un engagement qui vise à purifier notre société des antivaleurs qui la rongent dans tous les sens. Il nous faut être incorruptible à l’instar du sel !

I. 10.2. 2. Etre lumière du monde, quid?
            Outre le sel qui purifie et rend incorruptible, Jésus recourt aussi à la métaphore de la lumière, symbole de la présence efficace et salvifique de Dieu (Cf. Is9, 1 ; 60, 1-3) auquel le Christ, Lumière du monde ; s’identifie dans le Nouveau Testament (Cf. Jn 8, 12).
Dans le langage courant, l’homme est aussi considéré comme étant lumière. C’est ainsi qu’à la mort d’un être humain, l’on entend dire : «Il s’est éteint !». Cela présuppose qu’il était lumière pour les autres. Alors que le sel transforme en purifiant, la lumière transforme et fait resplendir (Cf. Mt17, 2). Transformer et transfigurer : voilà deux verbes complémentaires qui peuvent mieux définir la mission du chrétien à l’heure actuelle. Logiquement, la transfiguration est le couronnement de la transformation. La réalité transformée devient beaucoup plus éloquente lorsque, transfigurée, elle resplendit de lumière : artisans d’un monde de moins en moins corrompu et bâtisseurs d’une société transfigurée par les vertus de l’Evangile !

I. 11. Sixième dimanche ordinaire
Sir15, 15-20 ; 1Co 2, 6-11 ; Mt 5, 17-37.

I. 11. 1. Le renouveau par le Christ
            Jésus nous pose une question qui est toujours d’actualité : devons-nous rejeter le passé ? Faut-il démolir pour rebâtir à neuf ? Dieu a éduqué le peuple juif par la Loi et les prophètes. Peut-on abolir ces moyens utilisés par Dieu Lui-même ? C’est un peu comme à l’école. Au primaire, on enseigne des matières de base. Au secondaire, on pousse plus loin la recherche…sans rejeter ce qu’on a déjà appris…ce n’est pas parce qu’une tradition est ancienne qu’elle n’est plus bonne ; ce n’est pas parce qu’une idée est nouvelle qu’il faut l’adopter …Jésus ne veut rien détruire du passé, mais Jésus va venir nous révéler le vrai sens de ces traditions, en nous montrant comment les vivre avec plus de profondeur, avec le cœur…ainsi, Jésus enseigne non seulement l’amour du prochain, mais même l’amour des ennemis ; non seulement les privations physiques, mais aussi la prière en esprit et en vérité…Jésus analyse tout dans une perspective d’amour où ce sont les petits gestes et les détails qui mettent du fini dans une relation ; où c’est l’implication du cœur qui donne la qualité à ce que nous faisons et à ce que nous disons.
            Jésus vient accomplir un dépassement ; sans ajouter de nouveaux préceptes extérieurs, il atteint à la racine même de l’acte qui est le cœur, siège des vertus, et met au jour de nouvelles exigences jusque là cachées. Le Nouveau Testament  est caché dans l’Ancien, l’Ancien est dévoilé dans le nouveau. Les temps sont accomplis. Quand vint la plénitude des temps, dieu envoya son Fils, né sujet de la loi, pour racheter les sujets de la loi et leur conférer l’adoption filiale, par l’esprit saint qu’il a envoyé.
            Trois pistes semblent pouvoir orienter notre réflexion : nos devoirs envers le prochain, envers nous-mêmes, et envers Dieu.
-Envers le prochain : quiconque se fâche contre son frère en répondra au tribunal (Mt5, 22) ;
-Envers soi-même : quiconque regarde une femme pour la désir a déjà  commis dans son cœur l’adultère avec elle (Mt5, 28) ;
-Envers Dieu : Eh bien moi, je vous dis de ne pas jurer du tout, ni par le ciel car c’est le trône de Dieu, ni par la terre, car c’est l’escabeau de ses pieds, ni par Jérusalem, car c’est la ville du grand Roi (Mt5, 34-35).
            Quand on examine sa conscience, on pense en revue les péchés commis contre Dieu, contre le prochain et contre soi-même, en référence au Décalogue. La défense de prendre en vain le nom du Seigneur se trouve dans la première partie, l’interdiction du meurtre dans la seconde partie, et la convoitise charnelle dans la dernière. Les «dix commandements» se résument dans la loi d’amour, qui nous rend parfaits comme notre Père céleste est parfait. L’amour accomplit la loi dans sa plénitude : «aime et fais ce que tu veux» (Saint Augustin).

I. 11. 2. Brève prière
«Dieu notre Père, je t’offre toute ma journée» : animé par ton Esprit je veux participer au salut du monde avec Jésus, ton Fils, qui, cœur ouvert, s’est offert lui-même sur la croix et qui s’offre aujourd’hui encore dans l’Eucharistie.
Avec Marie ta servante, je t’offre particulièrement cette journée pour les intentions recommandées ce mois par le Pape.

Intention générale : la famille
Pour que la famille soit respectée par tous dans son identité, et que soit reconnue sa contribution irremplaçable en faveur de la société toute entière.

Intention missionnaire : se faire proche des souffrants
Pour que, dans les terres de mission où le plus urgent est la lutte contre la maladie, les communautés chrétiennes sachent témoigner de la présence du Christ auprès des personnes qui souffrent.

I.12. Septième dimanche ordinaire
Lv 19, 1-2.17-18 ; 1Co3, 16-23 ; Mt 5, 38-48
I. 12. 1. Le Christ perfectionne la loi de Moïse

            La loi de Moïse enseignait «œil pour œil, dent pour dent»Mt5, 28 (la loi du Talion). Il s’agissait de ne pas faire à l’autre plus de dommage qu’il en avait fait. Quelqu’un te casse une dent, tu lui rends la pareille, en évitant de lui briser la mâchoire…C’était déjà un progrès, quand on réalise que, même de nos jours, la plupart des cas de vengeance sont démesurées. Aujourd’hui, si quelqu’un dérange son voisin, celui-ci sort couteau et le tue. On ne pratique même pas la loi de Moïse.
            Or Jésus est venu perfectionner la Loi de Moïse. Non seulement nous ne devons pas riposter à l’agresseur, mais nous devons lui montrer que nous ne lui en voulons pas (« si quelqu’un te gifle sur la joue droite, tends-lui encore l’autre» (Mt 5, 39). Cela rappelle l’attitude de Jésus durant sa passion, alors qu’un soldat le frappe à la joue. Jésus réagit alors dans l’esprit du conseil qu’il nous prodigue ici. Il ne présente pas l’autre joue, mais, au lieu de répondre par la violence, «calmement», il invite le soldat à réfléchir sur son geste :« Si j’ai mal parlé, dis-moi ce que j’ai dit de mal ; et si j’ai bien parlé, pourquoi me frappes-tu ?» (Jn 18, 23).
            Dans l’ancien Testament, on enseignait qu’il fallait aimer son prochain. Or, pour le juif, le prochain c’est son compatriote, celui qui fait partie du peuple élu. On en déduisait que les autres n’étaient pas le prochain, et qu’il fallait les haïr. C’est pourquoi les juifs méprisaient les païens qu’ils traitaient de « chiens». Mais Jésus vient innover en invitant les gens à l’amour des ennemis.
            Jésus nous suggère même un comportement spécial face aux ennemis les plus coriaces : «priez pour ceux qui vous persécutent» (Mt 5, 44), en d’autres termes : «confiez-les à la bonté et à la miséricorde de Dieu».C’est ainsi que nous serons les fils de Dieu. Jésus nous rappelle que Dieu est notre Père, et qu’il est naturel que les enfants agissent selon l’exemple reçu du Père. Or, Dieu«fait lever son soleil sur les méchants…(Mt5, 45). Notre comportement doit donc être identique avec les méchants et les bons, avec les justes et les injustes…comme Dieu nous en donne l’exemple. Jésus ne perd pas l’occasion d’enseigner la perfection de l’amour. Quand nous aimons celui qui nous aime, nous ne sommes sûrs d’aimer : nous agissons alors peut-être par égoïsme. L’amour des ennemis est le seul critère où nous sommes assurés.
            C’est clair, Jésus nous appelle à un amour que nous  ne pouvons atteindre seul, avec nos propres forces. Pour devenir parfait« comme le Père, nous avons besoin de l’aide de l’Esprit Saint, et celui-ci nous est assuré puisque Jésus ne peut pas nous fixer un objectif impossible à atteindre.

I. 12. 2. De la loi du talion à la résistance active non-violente

I. 12.2.1. La loi du Talion
Dépourvus d’un système juridique institutionnalisé et efficace quand à la réglementation des rapports entre les humains, les peuples du Moyen-Orient Ancien avaient adopté ce fameux adage issu du Code d’Hammourabi : œil pour œil, dent pour dent…Il s’agit d’une justice fondée sur le principe de la proportionnalité, susceptible de permettre aux victimes de rentrer dans leurs droits, en l’absence d’un cadre juridique institutionnel. Quelques textes de l’A. T y font allusion : «Qui verse le sang de l’homme, par l’homme aura son sang versé» (Gn 9, 6) ; " Tel le dommage que l’on inflige à un homme, tel celui que l’on subit" (Lv24, 20). A l’époque de Jésus une telle justice basée sur la rétribution dans les faits, était supposée dépassée pour deux raisons.

Primo, la société juive s’était déjà dotée d’un pouvoir judiciaire de référence, à savoir, le Sanhédrin qui, en plus du fait qu’il était suffisamment organisé, disposait d’un service de police pour plus d’efficacité (Cf.Mt26, 47 ; Mc14, 43). Dans ce contexte, la loi du talion est tout simplement caduque.
Secundo, la Bonne nouvelle du Christ, essentiellement axée sur l’amour de Dieu et du prochain, est une véritable remise en question de la loi du Talion qui ne laissait aucune marge au prochain.

I. 12.2.2. De la résistance active non-violente
            La grande faiblesse de la loi du Talion réside dans le fait que la violence appelle  la violence. En rendant au bourreau un sort identique au sort de la victime -œil pour œil, dent pour dent- on ne peut que s’enliser dans une spirale infernale de la violence. C’est pourquoi, le Christ propose une autre stratégie qu’on appellerait, de nos jours, la résistance active non-violente. Tendre l’autre joue, céder même son manteau…traduisent, en langage métaphorique, cette stratégie de défense à laquelle le prophète Isaïe fait aussi allusion (Cf. Is50, 4-9). Il s’agit de résister à l’adversaire sans lui rendre les coups reçus, jusqu’à ce que celui-ci renonce à causer du tort à la victime.
            L’histoire   du peuple juif nous en livre plusieurs exemples dont celui-ce : Au premier siècle de notre ère, quand Pilate autorisa les militaires romains à entrer à Jérusalem avec l’effigie de l’empereur bafouant ainsi l’interdiction juive relative à la présence des images dans la ville sainte, les juifs indignés se rendirent massivement à Césarée devant la résidence de Pilate où ils demeurèrent à genoux pendant 5jours en guise de protestation. Furieux, Pilate menaça de les massacrer…Mais face à leur détermination, le procureur romain se ravisa et revint sur sa décision. En exhortant ses disciples à répondre au bourreau par la non violence, le Christ avait bien perçu l’importance de la résistance active non-violente qui est plus propice à la transformation de la société que la loi du Talion.

I. 13. Huitième dimanche ordinaire
Is 49, 14-15 ; 1Co 4,1-5 ; Mt 6, 24-34

I. 13.1. Un choix à opérer   
            «Nul ne peut servir deux maîtres…» (Mt 6, 24). Vous ne pouvez servir Dieu et l’argent. Cette parole est aujourd’hui d’une actualité étonnante : elle ne l’est pas seulement au niveau personnel mais au niveau des communautés et des peuples. Les «maîtres» peuvent être aussi des idéologies, ils sont toujours en vue d’un profit. Nous savons que la politique et l’économie peuvent générer un décalage entre les pauvres et les riches. Les personnes les plus démunies sont victimes du culte de l’argent. Jésus nous conseille toujours la confiance en Dieu qui veuille sur nous et sur l’essentiel de notre vie que personne ne peut atteindre : «qui d’entre vous d’ailleurs peut, en s’en inquiétant, ajouter une seule coudée à la longueur de sa vie ?» (Mt 6, 27).
            Jésus présente Dieu et l’argent comme deux maîtres qui ont des exigences contraires : l’argent invite au confort,  à la possession, aux plaisirs…alors que Dieu enseigne le détachement, le partage, la simplicité de vie…Pour concrétiser cette idée, Jésus va nous parler de la relation entre maîtres et esclaves. L’esclave n’a pas de liberté, il est dominé par son maître. Si nous devenons esclaves des biens matériels, nous perdons notre liberté et nous nous laissons conduire par ceux-ci. Si nous sommes enfant de Dieu, celui-ci devient notre maître, et nous nous laissons conduire par son enseignement et les exemples de Jésus qui nous apporte la liberté.
            Vous ne pouvez servir Dieu et l’argent. Le chrétien est appelé à faire un faire un choix exclusif : servir l’un ou l’autre. Quelle énergie allons-nous consacrer à servir Dieu ? La même que celle que nous consacrons à acquérir de l’argent ? Beaucoup de chrétiens consacrent une énergie démesurée pour avoir les moyens de s’acheter une voiture, une villa, maisons, pour avoir un bon poste en vue de…, etc. Sommes-nous libérés de cette vaine poursuite ? Mettons-nous Dieu au premier plan dans notre vie ? Si la parole de Dieu nous met en garde contre la paresse (2Tm 3, 6-12), elle nous exhorte aussi premièrement à rechercher le royaume de Dieu et à amasser des trésors dans le ciel (Mt 6, 20.33). Les richesses que nous pouvons accumuler sur la terre sont de toute manière condamnées à être détruites (2P3, 11-14). Rejetons donc l’emprise du matérialisme sur nos vies.
            «Ne vous faites pas tant de soucis pour la nourriture, le vêtement, pour le lendemain…». Jésus ne s’oppose pas à la prudence, à la planification : il nous met en garde contre les soucis qui nous font agir comme si Dieu n’existait pas ou comme si tout ne dépendait que de nous. «Cherchez d’abord son royaume et sa justice…» (Mt6, 33). Notre première préoccupation devrait être de travailler pour la gloire du Seigneur, en étant assuré qu’il s’occupera de nous et  donnera  à chacun jour après ce qui nous est nécessaire pour vivre et être heureux…

I. 13.2. Autre compréhension de la péricope : «nul ne peut servir  à la fois Dieu et l’argent»
            Mamôna’, le mot traduit par argent en Matthieu 6, 24, est d’origine araméenne et signifie richesse, bien, etc.
Plus qu’un simple attachement à l’argent, il s’agit ici d’une mise en garde de Jésus sur tous les biens auxquels l’homme peut excessivement attacher de l’importance au grand dam de sa relation avec Dieu.
            En traduisant mamôna’ par argent, l’accent est mis sur cette réalité qui donne accès aux biens matériels, à l’aisance matérielle, et qui est souvent à l’origine des conflits dans le monde, dans la société, entre les humains. De même que la cupidité en matière d’argent envenime les relations humaines ; de même, le même vice porte un préjudice sérieux à la relation entre l’homme et Dieu. Bien sûr, Jésus ne disqualifie pas totalement l’argent. Lui-même s’en est servi (Cf. Mt17, 27 ; Jn 13, 29, etc.) ; et dans l’une de ses paraboles, il fait allusion à une femme qui se débat pour retrouver une pièce d’argent perdue (Cf. Lc15, 8-9). On ne se décarcasse pas pour retrouver quelque chose qu’on déprécie!
            Toutefois, quand la cupidité atteint son paroxysme et que l’on se met à s’enrichir à tout prix, même au détriment de la vie humaine et au grand dam des pauvres, on devient alors tout simplement un serviteur de Mamon, un avaricieux prêt à tout pour l’enrichissement illicite. Le sort d’un pareil style de vie si injuste, malhonnête et égocentrique, est illustré dans la parabole de ce riche qui bafouait, dans l’arrogance, les droits du pauvre Lazare (Cf. Lc 16, 20-31). Face à l’argent, l’attitude du chrétien devrait être la suivante : ne jamais servir l’argent, mais s’en servir pour faire le bien.
            La cupidité en matière d’argent tire sa source dans l’agitation face aux besoins fondamentaux de l’existence que peut procurer l’argent : l’habillement, la nourriture, etc. En prophète avéré, le Christ met en garde ses disciples contre ces biens qu’on se procure par l’argent (Cf. Mt 6, 25). Le Christ ne prêche pas pour autant l’indifférence absolue à l’égard de ces biens. Il ne prêche pas non plus l’attentisme allant jusqu’à  renoncer à l’effort à fournir pour gagner honnêtement la vie. Il met plutôt en garde contre le fait d’être anxieux (en grec, merimnaô). La fréquence de ce verbe dans l’Evangile de ce dimanche (Cf. Mt6, 25. 27.31.34) prouve à suffisance que «être anxieux» est une attitude à éviter. On le sait, le mot anxiété a un sens plutôt péjoratif : il implique l’angoisse, la frayeur, la terreur…Face au souci dû aux besoins fondamentaux de l’existence, le chrétien évitera l’anxiété et l’angoisse qui sont souvent à la base de la cupidité en matière d’argent ; il s’adonnera plutôt à une recherche sereine et honnête du bien-être.

I. 14. Neuvième dimanche ordinaire
Dt 11, 18.26-28.32 ; Rm 3, 21-25.28 ; Mt 7, 21-27


I. 14.1. A l’école de Jésus, bâtissons notre vie sur le roc
            La prière seule n’assure pas le salut. Si nous prions c’est pour trouver force, courage, patience…et passer à l’action afin de faire non pas notre volonté mais celle de Dieu.
            Faire la volonté de Dieu, c’est accepter ce qui nous arrive sans murmurer, en sachant que c’est permis par lui ; de plus, nous devons nous comporter selon l’exemple que Jésus a donné.
            Dieu nous demande non seulement d’écouter la parole, mais de la mettre en pratique. « Veuillez mettre en pratique tous les décrets et tous les commandements». Ecouter et mettre en œuvre la parole, agir! Notre vie chrétienne est cette heureuse alliance et l’accueil de la parole de Dieu et de l’action, la mise en pratique dans le souci et le service des plus petits et des plus pauvres. Jésus nous dit : «Tout homme qui écoute ce que je vous dis là et le met en pratique est comparable à un homme prévoyant». Faire la volonté de Dieu, être à son service, voilà qui bâtit sa maison sur le roc.
            Ecouter signifie aussi nous mettre l’école de la parole de Dieu. Comme Marie, la mère de Jésus, garder la parole dans nos cœurs, la synthétiser en nous, la laisser imprégner de sa lumière notre existence.
            «Nous estimons que l’homme devient juste par la foi…». C’est un chemin privilégié qui conduit à la prière, à la contemplation de Dieu. Ainsi notre foi peut devenir vivante, comme un don de dieu tout actuel pour nous. Seule la foi en effet, justifie : «cette justice de Dieu donnée par la foi en Jésus-Christ, elle est pour tous ceux qui croient».
            Mais la foi sans les actes est fragile. Faire la volonté de Dieu nous demande certes de croire en dieu qui seul peut nous sauver mais cet acte de foi correspond aussi pour nous à la volonté de Dieu qui est d’accueillir son œuvre en nous et autour de nous.
            Quand la foi est accompagnée par les œuvres qui sont des signes visibles de notre foi, nous devenons des témoins authentiques de la parole vivante : «amour et vérité se rencontrent». Nous sommes donc invités à écouter la parole de Dieu pour œuvrer à partir de cette parole reçue dans la foi. Le Christ- Jésus, le Maître de notre foi s’est ainsi donné à nous d’une manière toute gratuite. A son école nous voulons bâtir notre vie, construire notre communauté  sur le roc.
            Demandons à notre Père des cieux que la parole de Dieu nous montre comment unifier notre existence en Jésus. Que la parole de Dieu nous donne de faire la volonté de notre Père qui est aux cieux.

I. 14.2. De la culture de la parole donnée

I. 14.2.1 De la culture de la parole. L’Evangile de ce dimanche conclut le discours de la montagne, débuté en Matthieu5, 1, avec les Béatitudes. L’on peut bien s’imaginer cette belle scène : Jésus qui gravit la montagne, s’assit et ses disciples s’étant approchés, il se mit à les instruire. La voix sans doute imposante du Christ, sa belle rhétorique, des idées pertinentes et des images évocatrices sont au rendez-vous. L’on sait que ce discours avait débuté avec un bel exemple de la figure rhétorique dite anaphore (Cf Mt 5, 3-11). Un discours inédit, beau dans la forme, vrai dans le contenu, bon à écouter. Les disciples ne courent-ils pas le risque de ne retenir que la belle rhétorique sans s’accrocher au contenu, sans passer de la parole aux actes ? Voilà pourquoi, à la fin du discours de la montagne, le Christ prend soin de les exhorter à l’essentiel : «Ce n’est pas en me disant :«Seigneur, Seigneur», qu’on entrera dans le Royaume des Cieux , mais c’est en faisant la volonté de mon Père qui est dans les cieux» 5mt7, 21). En d’autres termes, Jésus voudrait dire : l’essentiel n’est pas dans la rhétorique mais dans l’accomplissement de la volonté de Dieu.

I.14.2. 2. de la culture de la parole à la culture de la parole donnée
            Il est évident que notre société baigne dans la culture de la parole : maîtrise parfaite des langues, éloquence, verve oratoire…Beaucoup parmi nous en ont l’art. il nous faut cependant passer de la culture de la parole à la culture de la parole donnée, de l’art de bien parler à l’art de respecter la parole donnée. Le Christ lui-même nous en donne l’exemple : après le discours de la montagne (Mt5, 1-7. 29), il descendit de la montagne et se mit à opérer les miracles repris en Mt 8-9 dont la guérison d’un lépreux, la guérison du serviteur de l’officier, la tempête apaisée, un démoniaque exorcisé, un paralytique guéri, la réanimation d’une fillette. Après le long discours de la montagne, c’est donc le temps de lier la parole aux actes. Jésus descend de la montagne pour agir concrètement ! Parfois, des discours trop intellectualistes sans  prise sur la réalité nous enferment dans les nuages, sur la montagne, d’où l’on hésite de descendre pour palper la réalité et passer ainsi de la théorie à la pratique. Il nous faut le courage de descendre de la montagne des discours grandiloquents pour poser des actes concrets et édifiants. Jésus nous en a donné l’exemple. C’est en faisant comme lui que nous bâtirons nos vies et notre société sur le roc et non sur le sable (Cf. Mt 7, 24-27) ; nous bâtirons sur la vérité et non sur la culture de la violence et de la mort, nous bâtirons sur des valeurs humaines et chrétiennes et non sur la corruption et le mensonge. Nous bâtirons alors un pays plus beau qu’avant.

I. 15. Premier dimanche de carême
Gn2, 7-9 ; 3, 1-7a ; Rm 5, 12-19 ; Mt 4, 1-11

I. 15. 1. Le Christ vainc la tentation
            Après son baptême, Jésus commence sa vie publique. Il sent le besoin de se retirer dans la solitude avant de se lancer sur le marcher du travail. Alors il fut emmené par l’Esprit (pendant 40jours) dans le désert pour y être tenté par le diable (Mt 4, 1). Le désert, c’est l’habitat des animaux sauvages (les dangers) ; c’est un lieu de privation (aucune nourriture) ; enfin, c’est un endroit de souffrance (à cause de la sécheresse et de l’isolement). Le désert représente les étapes de la vie où l’on peut être porté  à se décourager parce qu’on a l’impression d’être abandonné par Dieu.
            L’Esprit conduit Jésus : Jésus est toujours guidé par lui, de sorte que les difficultés de la vie deviennent l’occasion de faire grandir sa foi, son espérance et sa charité.
            Le nombre quarante est  symbolique. Il signifie une longue période. Qui rappelle la marche des hébreux dans le désert durant 40ans vers la terre promise…Les 40 jours au désert symbolisent aussi toute la vie publique de Jésus alors qu’il se sentira seul, incompris de son entourage, harcelé par ses ennemis…
            Après 40jours c’est normal que Jésus ait faim. Satan va alors profiter de cette faim de Jésus pour s’en servir comme tentation (changer une pierre en pain). Jésus repousse cette tentation en soulignant que le pain matériel n’est pas la seule nourriture de l’homme.
            Cette tentation de Jésus correspond à la tentation du jardin d’Eden. Si nos premiers parents avaient supporté l’épreuve, et que toute l’humanité se fût développée sans péché, conformément à la volonté de Dieu, la tentation su Sauveur, n’aurait point été nécessaire. Mais quoiqu’il fût complètement pur de tout péché, dès qu’il se constituait Sauveur des pécheurs, il fallait qu’il fût pour ainsi dire officiellement consacré pour la mission publique dont il s’était chargé. Ce qui a été perdu au commencement par le péché du premier Adam, devait être surabondamment réparé par le second adam. Si le premier a succombé à la tentation, le second l’a d’autant plus complètement vaincue dans toutes ses manifestations.
            Satan tente maintenant Jésus du côté de l’orgueil : il lui offre le monde avec ses richesses et ses plaisirs…Satan laisse toujours croire que c’est lui seul qui possède les vrais plaisirs. Ici, il demande à Jésus de le reconnaître comme son maître et seigneur, s’il veut devenir maître de l’univers.
            Cette tentation, nous la rencontrons dans la vie de tous les jours alors que des idoles nous sollicitent (argent, domination, plaisirs…) et que nous avons à faire un choix entre Dieu et Satan. Jésus répond par une parole de l’Ecriture qui nous rappelle que Dieu est le seul Seigneur que nous devons adorer et suivre.

I. 15. 2. Carême, le temps du désert
I. 15.2.1. De l’origine du mot «carême»
            Le mot carême vient du latin quadragesima qui signifie quarante jours ou quarantième jour. Durant les deux premiers siècles de notre ère, les chrétiens ne connaissaient pas la célébration annuelle de la Pâques parce que qu’ils commémoraient la résurrection du Seigneur chaque dimanche. Dans ce contexte, il était impossible de concevoir les quarante jours de carême en guise de préparation à la Pâques.
            Le mot carême apparaît pour la première fois au début du IVème siècle de notre ère à travers la terminologie grecque tessarakoste qui signifie quarante (jours). En l’an 331, Saint Athanase recommande à ses chrétiens d’Alexandrie (Egypte) d’observer une période de quarante jours de jeûne avant la Pâques. Le choix du chiffre quarante est certainement influencé par l’exemple de Moïse, d’Eli et de Jésus qui firent tous une expérience spirituelle de quarante jours (Cf. Ex 24, 18 ; 1R19, 8 ; Mc1, 13 ; Mt4, 2 ; Lc4, 1-2). Au début, le carême était surtout une période de jeûne durant laquelle les chrétiens se préparaient au grand jeûne à observer durant la semaine sainte.

I.15.2.2. Du carême de 36jours à celui de 40jours
            Toutefois, avant que cette pratique ne se répande dans l’Eglise, on observait, dans certains milieux, huit semaines de préparation à la semaine sainte. Tel fut le cas à Jérusalem où le carême durait huit semaines ou cinquante-six jours. Ce choix est motivé par un désir ferme de jeûner pendant quarante jours. Ainsi, à l’exception du samedi et du dimanche, ils jeûnaient, chaque semaine, pendant cinq jours. Au terme de huit semaines, ils totalisaient ainsi quarante jours de jeûne avant la semaine sainte. Le jeûne dont il est question ici consiste à prendre un repas par jour et à s’abstenir de la viande, des œufs…
            A Rome, à l’époque de Grégoire le grand (590-604), le carême s’étendait sur trente-six jours, soit six semaines de six jours chacune, hormis le dimanche, jour non adapté au jeûne. Ces trente-six jours jouissaient d’une valeur symbolique puisque ce chiffre représente approximativement un dixième des trois cent soixante cinq jours de l’année.
            Plus tard, dans le souci de totaliser exactement quarante jours, on anticipera le début du carême de quatre jours. Pour y parvenir, on a fixé l’imposition des centres le mercredi, soit quatre jours avant le 1er dimanche de carême. C’est ce calendrier qui reste encore en vigueur aujourd’hui[3].

I. 16. Deuxième dimanche de carême : de la transfiguration du Seigneur

Gn 12, 1-4 ; Tm 1, 8-10 ; Mt 17, 1-9.
            Chers frères et sœurs dans la foi, l’Eglise notre mère célèbre en ce deuxième dimanche de carême, la transfiguration du Seigneur, moment important au cours duquel il a voulu apparaître dans a gloire en présence de ses trois plus intimes apôtres, Pierre, Jacques et Jean, sur le mont Thabor. Rappelons-nous aussi que ces trois apôtres seront aussi présents à son agonie : après sa résurrection, ils pourront témoigner de ce qu’ils auront vu et entendu…
            Le visage et les vêtements de Jésus deviennent «d’un blanc éblouissant» (Mt 17, 2), dont les disciples ne peuvent supporter l’éclat. Moïse et Elie, les deux principaux personnages de l’Ancien Testament apparaissent et s’entretiennent avec Jésus de son «exode», «de son départ qu’il allait accomplir à Jérusalem» (Lc9, 31), c’est-à-dire de sa mort, désormais imminente. Moïse et Elie représentent respectivement la Loi et les Prophètes, c’est-à-dire la révélation divine d’avant Jésus. Jésus est l’ultime manifestation de Dieu. C’est ce que signifie la nuée lumineuse -­lieu de la présence divine (comme dans ex19)- d’où une voie désigne Jésus comme le serviteur royal de Dieu. A cela s’ajouter l’exhortation à écouter Jésus, à écouter surtout son enseignement moral.
            «Pour un instant, Jésus montre sa gloire divine, confirmant ainsi la confession de Pierre. Il montre aussi que, pour «entrer dans sa gloire» (Lc24, 26), il doit passer par la Croix à Jérusalem. Moïse et Elie avaient vu la gloire de Dieu sur la montagne ; la Loi et les prophètes avaient annoncé les souffrances du Messie (Cf. Lc24, 27). La passion de Jésus est bien la volonté du Père : le Fils agit en serviteur de Dieu (Cf. Is42, 1). La nuée indique la présence de l’Esprit Saint : « Toute la Trinité apparut : le Père dans la voix, le Fils dans  l’homme, l’Esprit dans la nuée lumineuse»[4].
            En parlant de la transfiguration, le catéchisme de l’Eglise catholique stipule :
«Tu t’es transfiguré sur la montagne, et autant qu’ils en étaient capables, tes disciples ont contemplé ta Gloire, Christ Dieu afin que lorsqu’ils Te verraient crucifié, ils comprennent que ta passion était volontaire et qu’ils annoncent au monde que Tu es vraiment le rayonnement du Père»  (CEC, No 555).
Par cette théophanie, cette manifestation de sa divinité, Jésus veut fortifier par avance la foi de ses apôtres, qui vont être bientôt confrontés au drame et au scandale de sa Passion et de sa mort sur la Croix. La voix du Père qui le désigne comme son «Fils bien-aimé» (Mt 17, 5) se fait entendre pour qu’ils croient, comme le centurion le reconnaîtra au calvaire, que «vraiment cet homme était Fils de Dieu» (Mc15, 39), que Jésus est le Fils de Dieu, est lui-même Dieu, notre Dieu et notre Sauveur. La solennité d’aujourd’hui nous invite à renouveler notre acte de foi en la divinité de Jésus-Christ.

  I.17. Troisième dimanche de carême 
Ex 17, 3-7 ; Rm 5, 1-2.5-8 ; Jn 4, 5-15.19b-26.39a-42
            « C’est vraiment Lui le Sauveur du monde». Frères et sœurs, cette profession de foi est le terme du long cheminement par lequel l’évangéliste nous fait progresser depuis le premier contact entre Jésus et la femme de Samarie au bord du puits jusqu’à cette profession de foi faite par les gens de son village en leur nom propre : « Ce n’est plus à cause de ce que tu nous as dit que nous croyons maintenant. Nous l’avons entendu par nous-mêmes». Il s’agit d’un itinéraire spécifiquement pédagogique dont le but est de nous aider à comprendre comment on peut être acheminé à la profession de foi. Que cette rencontre entre le Christ et la samaritaine nous aide à comprendre comment le Christ achemine vers la connaissance du don de dieu : «Si tu savais le don de Dieu» (Jn4, 10). Dans cette rencontre avec la Samaritaine, le don de Dieu dont il s’agit, c’est l’eau vive, c’est la vie signifiée par l’eau qui est la source ressource indispensable à toute vie.
En fait, l’évangéliste nous montre comment le Christ part de la réalité tout à fait élémentaire, habituelle : pour cette femme, c’est une corvée quotidienne de venir puiser l’eau au puits. C’est pourtant à partir de cette expérience que le Christ va peu à peu lui faire entrevoir l’existence d’une autre réalité qu’elle ne voit pas et qui est la vie de Dieu lui-même. A partir de leur échange au sujet de l’eau ordinaire, habituelle, matière première de notre vie, peu à peu l’évangéliste nous fait découvrir que le même mot : l’eau, recouvre deux réalités complètement différentes. Cette découverte de la femme de Samarie à travers son dialogue avec le Christ, nous invite à faire et à comprendre un élément particulièrement central de l’expérience chrétienne. Notre expérience de la vie est celle d’une vie qui s’arrêtera par notre mort, comme l’expérience de l’eau pour cette femme est l’expérience d’une boisson qui n’apaisera pas définitivement sa soif et qu’il lui faudra le lendemain revenir puiser au puits.
            Cependant, toute imparfaite que soit cette eau, toute imparfaite qu’est notre vie, l’une et l’autre éveillent en nous le sens de la plénitude que Dieu veut nous partager en nous donnant une eau qui ne se tarit pas, une eau qui apaise définitivement la soif, comme il nous donne une vie qui ne finira pas mais qui s’épanouira éternellement dans la communion avec Lui.
Ainsi, être chrétien n’est pas adhérer à une autre vie. C’est apprendre, sous la conduite du Christ et par la lumière de l’Esprit Saint qui nous habite, à reconnaître dans cette vie qui est la nôtre, le signe et la présence d’une autre vie qui ne sera pas la même que celle nous connaissons et qui cependant en sera l’achèvement et l’épanouissement. La foi chrétienne n’est pas l’adhésion à un autre monde, c’est l’identification d’un autre monde au cœur de ce monde. C’est découvrir que l’achèvement de la vocation humaine, la plénitude de cette vocation humaine, est inscrite comme une espérance au coeur de notre expérience quotidienne. C’est reconnaître que l’eau qu’il répand à profusion sur l’humanité entière est le signe qu’il veut apaiser tout désir et toute soif : elle est la promesse de la vie éternelle.
En somme, aujourd’hui, nous croyons plus à cause des paroles que disait la femme de Samarie, nous croyons parce que nous l’avons entendu par nous-mêmes et nous savons que c’est vraiment lui le sauveur du monde.



 I. 18. Quatrième dimanche de carême : la guérison de l’aveugle de naissance
1S 16, 1.6-7.10-13a ; Ep 5, 8-14 ; Jn 9, 1.6-9.13-17.34-38
            L’aveugle de naissance recouvre sa vue grâce à une recette faite de boue et de salive de Jésus. Dans la mentalité juive, l’on considérait la salive comme investie d’un pouvoir thérapeutique (Cf.Mc7, 33 ; 8, 23). Jésus s’adapte à cette pratique fréquente sans pour autant attribuer à la salive des vertus magiques.

I. 18. 1. La conversion intellectuelle
            En guérissant l’aveugle né, Jésus concrétise sa déclaration en Jean8, 12 : «Je suis la lumière du monde». Cependant, la lumière que Jésus a apportée à ce garçon ne peut se limiter à la lumière physique : le recouvrement de la vue. Elle est aussi -et surtout- une lumière intérieure, une illumination dans la foi. C’est ainsi qu’il peut faire face aux juifs dans un débat où il défend sa foi sans vergogne (Cf.Jn 9, 24-34). Son intelligence, sa clairvoyance et sa lucidité montrent qu’il a bénéficié surtout d’une lumière intérieure. Il sait se démener pour expliciter sa foi, il sait expliciter et justifier ce qu’il croit. Souvent, la dimension intellectuelle de la conversion fausse compagnie à tant de chrétiens. Certains, parfois, de niveau universitaire, accusent de carences notoires dans l’intelligence de nos pratiques religieuses. Ils savent à peine se justifier face aux objections des autres églises. L’exemple de ce garçon, ex-aveugle de naissance, jadis incapable de voir, actuellement impeccable dans la défense de sa foi, nous sert ici d’une interpellation pertinente. Il nous faut, comme lui, approfondir la dimension intellectuelle de la conversion.

I.18. 2. La conversion religieuse
            Toutefois, avec la conversion intellectuelle, l’ex-aveugle de naissance n’est pas encore au terme de son itinéraire spirituel. Il fait encore preuve de lacunes non négligeables. Il nomme Jésus à travers une tournure impersonnelle : «l’homme qu’on appelle Jésus…» (Jn9, 11). Cela montre qu’il n’a pas encore établi une relation personnelle avec Jésus. Bien plus, il ignore la demeure de Jésus (Cf. 9, 12). L’on se rappelle que dans le 4ème Evangile, la préoccupation principale des premiers disciples est celle de connaître la demeure du Maître et d’y rester : «Maître où demeures-tu ?...» (Jn1, 38-39).
            Contrairement à ces disciples qui s’efforcent d’explorer la demeure du Maître, l’ex-aveugle de naissance l’ignore complètement. Bien que Jésus lui ait ouvert les yeux de la foi, il n’a pas encore accueilli le Christ au plus profond de son cœur. C’est pourquoi, il lui faudra la conversion religieuse, celle qui transforme le croyant en véritable homme de Dieu, qui témoigne de sa foi non seulement par des discours pertinents (la conversion intellectuelle) mais aussi par sa vie. A la fin du récit, l’ex-aveugle de naissance frôle déjà la conversion religieuse : il croit au Seigneur Jésus et il se prosterne devant lui (Jn9, 38).

I. 19. Cinquième dimanche de carême : La résurrection de Lazare

Ez 37, 12-14 ; Rm 8, 8-11 ; Jn 11, 3-7. 20-27. 34-45.
            Le récit de la résurrection de Lazare constitue le septième signe accompli par Jésus  dans le 4ème évangile, le premier étant celui de Cana (Cf. Jn 2, 1-12). Pour mieux saisir la véritable portée de ce signe, le lecteur avisé devrait assumer le dispositif symbolique que l’évangéliste met en jeu dans ce récit.

I. 19.1. Un récit à la symbolique évocatrice
            Nous nous trouvons en face d’un récit dont le cadre, les noms, le contexte…jouissent d’une valeur on ne peut plus symbolique. Lazare, Eléazar en hébreu, signifie «que Dieu ait pitié». Il représente ici tout homme qui invoque la miséricorde de Dieu. Béthanie (Bethanî), le village de Lazare, peut se traduire, littéralement, «maison de détresse». Ce village est le symbole de toutes les maisons frappées par le deuil, la détresse …
            Le séjour de 4jours au tombeau (Cf.Jn 11, 17) met en relief le caractère désespéré voire dramatique du récit. En effet, chez les juifs, l’espérance de la résurrection est possible jusqu’à trois jours après la mort. Dépassé ce délai, l’âme, qui jusque-là rôdait autour du corps, s’en éloigne définitivement et la résurrection devient inconcevable. En ressuscitant Lazare le 4ème jour, Jésus manifeste son autonomie et sa puissance agissant même à l’encontre de certains principes traditionnels juifs. La résurrection de Lazare peut être interprétée comme «la naissance spirituelle », thème débattu dans la discussion entre Jésus et Nicodème en Jean 3. Abondant dans ce sens, certains  voient la sortie de Lazare du tombeau comme une préfiguration de la sortie du catéchumène du baptistère, lors du baptême.
            En fait, à en croire Jésus Lui-même, le sort de Lazare ressemble plus au sommeil (spirituel) qu’à la mort (Cf Jn 11, 11). Par rapport à la destinée de Jésus, ce récit joue aussi un rôle symbolique dans la mesure où il préfigure la résurrection de, Jésus. Celui qui a ressuscité Lazare devra logiquement être ressuscité lui aussi.

I. 19. 2. L’itinéraire spirituel de Lazare
            La signification de la résurrection de Lazare se comprend mieux lorsque le lecteur considère aussi Jean 12 où Lazare apparaît de nouveau, comme convive  à la table du Seigneur (Cf. Jn 12,2). C’est que l’itinéraire de foi de Lazare ne s’arrête pas à sa sortie du tombeau. Lazare approfondit son expérience de foi jusqu’à ce repas avec le Seigneur, symbole de notre repas eucharistique. En plus, Lazare, comme tout disciple du Christ, devra connaître le sort de Maître : le martyr. Les grands prêtres projettent de l’éliminer physiquement (Cf. Jn 12, 10). L’itinéraire que devra suivre tout catéchumène : la sortie du tombeau (le baptême), le repas avec Jésus (l’Eucharistie) et le Jésus (l’Eucharistie) et le témoignage de vie jusqu’au martyre.

I. 20. Dimanche des Rameaux
a. L’entrée messianique du Seigneur à Jérusalem : Mt 21, 1-11
b. Messe de la Passion : Is 50, 4-7 ; Ps 21(22) ; Ph2, 6-11 ; Mt 26, 14-27, 66
Le silence de Dieu … ! Le récit de la Passion du Seigneur dont la lecture et la méditation sont prévues le dimanche des rameaux, constitue la liturgie de la Parole la plus longue de toute l’année liturgique. Après en avoir suivi la lecture, l’on devrait se sentir suffisamment édifié.
Pas de mots pour une si grande douleur. Le récit est émouvant, et les personnages très actifs et impressionnants, à l’instar des acteurs d’une pièce théâtrale. Un drame sacré, dirait-on ? Face à un malheur si grand, comme celui subi par Jésus, les paroles sont souvent impuissantes ; c’est seulement le silence, le regret, parfois les larmes, mais surtout le remords et la compassion qui peuvent édifier tant soit peu…Après avoir suivi attentivement la lecture du récit de la Passion, ne conviendrait-il pas de garder le silence et de retourner sur nous-mêmes pour méditer sur nos trahisons, notre lâcheté, nos omissions face au devoir de charité, etc. Peut-être conviendrait-il  tout simplement de contempler les différents personnages  de ce récit (Jésus, Judas, Pierre, Pilate, la foule, etc.) afin de cerner celui dont le comportement nous est le plus familier. Sommes-nous si avaricieux  comme Judas prêt à trahir notre identité devant l’argent, une femme…? Sommes-nous si versatile comme Pierre, capable de renier celui qui, tout à l’heure, était notre commensal ? Sommes-nous si lâche comme Pilate, manipulable par les menaces de la foule ? Sommes-nous comme cette foule, folle et ingrate, qui a oublié si vite les services lui rendus par Jésus ? de tous ces personnages, à qui ressemblons-nous le plus dans notre agir quotidien?
Le silence de Dieu appelle le nôtre. Etonnant le silence que Jésus, Dieu fait homme, observe durant sa passion. Silence éloquent qui étonne Pilate au point que le Gouverneur romain a de la peine à dissimuler la perplexité qu’il éprouve face à l’attitude du seigneur : «Jésus ne lui dit répondit sur aucun point, si, bien que le gouverneur était fort étonné» (Mt 27, 14). Un Dieu Tout-puissant  mais silencieux ! Le silence de Dieu appelle le nôtre. Le Samedi saint, ce silence aura tout son sens lorsque, selon la tradition, l’on observera durant la journée «le silence du tombeau». Dieu observe le silence pour que nous cherchions dans le silence, dans le recueillement et dans la méditation, le sens de ces événements que nous commémorons durant la semaine sainte : la passion, la mort et la résurrection de notre Seigneur. Le silence, un exercice salutaire, difficile et parfois presque impossible dans une société où la pollution acoustique due à un tapage assourdissant perturbe la concentration.
Forts de ces paroles de Saint François Xavier - «Le bruit ne fait pas du bien et le bien ne pas de bruit»- entrons dans le silence de Dieu pour accueillir au fond de nos cœurs le message que nous livre la passion du Seigneur, message d’espérance et de réconfort pour tout homme écrasé par la souffrance aussi bien physique que morale.
Bonne Semaine sainte à tous !

I.21. Dimanche de Pâques
Ac 10, 34….43 ; Col 3, 1-4 Jn 20, 1-9.

 Le retour en Galilée : Le sabbat juif ayant cours du vendredi soir à 18h00’ au samedi soir la même, le jour après le sabbat dont parle Mt28, 1correspond à notre dimanche considéré, à juste titre, le jour du Seigneur. Mais aujourd’hui, il s’agit d’un dimanche exceptionnel : c’est le jour de la résurrection.

I. 21.1. Ne craignez point…
            « Ne craignez point…». C’est la première parole de l’ange (Cf. Mt28, 5), c’est aussi la première parole que Jésus ressuscité adresse aux femmes (Cf. Mt 28, 10). Cette expression rappelle l’oracle d’assistance, fréquent dans l’Ancien Testament, à travers lequel le Seigneur rassure son peuple de sa présence (Cf. Is 7, 4 ; 40, 9 ; Jr 30, 10 ; 40, 27). Plus qu’une simple assurance psychologique, l’oracle d’assistance constitue la garantie de la Seigneurie de Dieu dans le monde. Le Seigneur est avec son peuple et demeure le Maître du temps et de l’histoire. Ni les calculs humains ni les agendas «cachés) ne sauront l’emporter sur la Seigneurie de Dieu qui a le  dernier mot dans l’histoire des peuples. C’est à juste titre que durant la veillée pascale, le prêtre prononce sur le Cierge pascal les paroles suivantes : «c’est à lui (le Christ) qu’appartiennent le temps et les siècles.

I. 21.2. Rendez-vous en Galilée !
            Alors que Luc situe les apparitions du ressuscité à Jérusalem et dans les environs (sur le chemin d’Emmaüs) Matthieu fait juste une brève allusion au tombeau vide, à Jérusalem, avant de renvoyer la suite en Galilée où le Ressuscité prend rendez-vous avec ses disciples (Cf Mt 28, 7.10). Pour Matthieu, la Galilée est le point de départ et de retour. C’est là que les disciples, un beau jour, se sont engagés résolument à la suite de Jésus (Mt4, 18-22).
Hélas, avec la trahison de Judas, la Passion et la mort, la ferveur de cet engagement initial a été quelque peu refroidie : le groupe a connu des défections (Mt26, 56) et certains disciples, déçus par le tournant qu’ont pris les événements, ont choisi de regagner carrément leurs domiciles (Cf. Lc24, 13). Puisque le zèle missionnaire du début a cédé la place à la torpeur, il faut retourner en Galilée, lieu de départ, lieu qui rappelle la ferme résolution prise le premier jour de la rencontre avec le Maître. Et c’est là, au point de départ, que les disciples recevront de nouveau la mission d’aller évangéliser (Cf. Mt28, 19).
Chacun de nous a sa «Galilée», c’est-à-dire, un point de départ, un moment où l’on a vécu une intense vie spirituelle dans une grande proximité avec le Seigneur. Dans le mariage, la «Galilée», c’est sans doute ce moment initial où la vie de couple est paradisiaque, plus que merveilleuse. Dans le sacerdoce, la vie consacrée, la «Galilée», c’est peut-être l’enthousiasme du jour de l’ordination  ou de la consécration au Seigneur…
Que chacun, en ce temps de Pâques, renoue avec sa «Galilée» afin d’évangéliser en parole et en exemples.
Joyeuses Pâques à tous !
    
I. 22. Troisième dimanche de Pâques

Ac 2, 14.22b-33 ; 1P1, 17-21 ; Lc 24, 13-35

Ils s’arrêtèrent, le visage triste. Quand on parle à Dieu, celui-ci est toujours présent, mais on ne le perçoit qu’avec les yeux de la foi.
            Chers frères et sœurs, aujourd’hui nous célébrons le troisième dimanche de pâques. Dans la péricope l’évangile de ce jour, l’évangéliste nous relate le récit de l’apparition de Jésus aux disciples d’Emmaüs. Ces derniers sont l’image vivante d’une bonne crise d’espérance. «Nous espérions», disent-ils à Jésus. Ils avaient cru en la promesse de Jésus de ressusciter. Tout ce qu’ils savaient de lui, c’est qu’on l’avait arrêté, jugé, condamné, crucifié et mis dans un tombeau. Pour la résurrection, c’était le vide presque total. Des femmes et d’autres disciples avaient bien raconté que son tombeau était vide, « mais, lui, ils ne l’ont pas vu». Ils marchaient sur la route les conduisant chez eux. Tristes, déçus sans doute, inquiets. Leur belle espérance en Jésus était en péril.
            Mais voilà que soudain un inconnu se joint à eux sur la route. Il s’informe de leur situation, de ce sur quoi ils discutaient en chemin. Il les prend là où ils sont. Ils s’intéressent à ce qu’ils sont en train de vivre. Puis, petit à petit, chemin faisant, il ouvre leur cœur à la compréhension des Ecritures, de ce qui avait été dit à propos de Jésus. Il éclaire leur route. Il réchauffe leur cœur. Si bien qu’ils l’invitent à passer la nuit chez eux. Au milieu du repas qu’ils partagent ensemble, il rompt le pain qu’il bénit. Puis il disparaît de leur présence. Alors leurs yeux s’ouvrirent et ils reconnurent que c’était le Ressuscité qui avait cheminé avec eux, qui leur avait parlé, qui leur avait brûlé le cœur.
            Des désespérés qu’ils étaient, les voilà complètement régénérés. L’espérance de nouveau fait surface en eux. Au point qu’ils courtent annoncer aux autres disciples la grande nouvelle : Jésus est bien ressuscité. Désormais tout devient possible.
            Nous avons besoins de rencontrer Jésus sur les chemins de nos existences. Et lui, il a besoin que nous lui fassions de la place au cœur de ce que nous sommes en train de vivre. Dieu s’intéresse en effet à tout ce qui nous arrive, parce qu’il nous aime. Il marche sur tous nos chemins, quels qu’ils soient. Et, quand nous l’acceptons comme compagnon de route, il éclaire notre existence de sa Parole, de la prière commune, de sa compagnie. Et surtout il nous rend l’espérance, si importante pour poursuivre le chemin.

I. 23. Quatrième dimanche de Pâques
Ac 2, 14a.36-41 ; 1P 2, 20b-25 ; Jn 10, 1-10

*Jésus : porte de la bergerie
            Cet Evangile du Bon Pasteur nous est familier. Et nous l’écoutons généralement avec un cœur grandement ouvert, car il nous donne l’envie de nous laisser conduire par le Christ, le Bon Pasteur, dans une confiance pleine de douceur, à l’image des brebis rassemblées autours de leur bon berger. Cherchons alors à mieux comprendre la portée et la profondeur de cette parabole.
            Il faut d’abord identifier les différents éléments dont parle Jésus. Il y a : la bergerie, le berger, la porte, le portier, les brebis, la pâture, le voleur. La porte, c’est le Christ; c’est lui-même qui le dit :«Je suis la porte des brebis». Il apparaît clairement, d’après le sens général, qu’il est aussi le berger. Il le dira d’ailleurs un peu plus loin :«C’est moi le bon berger» (Jn 10, 11).
            Il est clair aussi que les brebis, ce sont les hommes et les femmes qui désirent ardemment être sauvés de la mort éternelle, en se mettant à la suite de Jésus, du Fils de Dieu, à la suite de Celui qui est le « Bon berger». Par opposition, on peut donc identifier le voleur et tous les brigands  comme étant Satan et tous ses démons, ceux qui veulent perdre les âmes pour l’éternité.
            Le portier, c’est celui qui est chargé d’ouvrir la porte au maître de la maison et à ses invités, en utilisant les clefs qui lui ont été confiées. Nous retrouvons là tous les éléments de la mission que Jésus a confiée à Saint Pierre, le prince des Apôtres,  lorsqu’il lui a dit : «Je te donnerai les clefs du Royaume des cieux : tout ce que tu lieras sur la terre sera lié dans les cieux, et tout ce que tu délieras sur la terre sera délié dans les cieux» (Mt 16, 19). Le portier, c’est donc l’Apôtre Pierre, et après lui, tous ses successeurs. Et si le portier, c’est Pierre, alors nous comprenons que la bergerie, c’est l’Eglise d’ici-bas. Ce qui confirme cette interprétation, c’est que, tout en remplissant sa mission, le portier se tient par définition à l’intérieure de la bergerie, il fait donc bien partie de l’Eglise, car il est lui-même une brebis qu’il faut conduire au pâturage. Il est une pierre parmi les autres «pierres vivantes» (1P2, 5) qui composent la demeure de Dieu parmi les hommes.
            Jésus nous dit que c’est le bon berger qui vient faire sortir les brebis de l’Eglise d’ici bas pour les conduire à un pâturage où elles trouveront la Vie en abondance. La pâture, c’est donc le Royaume des cieux, la Vie éternelle.
            Parmi les brebis, il y en a qui sont égarées dans le monde et qui n’ont pas jamais entendues parlé du Bon Berger, qui n’ont jamais été évangélisées. C’est d’elles dont parle Jésus : «J’ai d’autres brebis encore qui ne sont pas de cette bergerie ; il faut que je les amène; elles entendront ma voix, et il y aura un seul troupeau, un seul berger» (Jn 10, 16). D’où la mission que confie le Christ à son Eglise d’annoncer à toutes les nations la Bonne Nouvelle, de porter cette Parole de Dieu qui rassemblera toutes les brebis en un seul troupeau, autour du seul et unique sauveur (Allez dans le monde entier et baptisez-les…»(Mt 28, 19).
            Cette péricope de l’Evangile nous aide à comprendre la place incontournable de l’Eglise pour accéder au Royaume des cieux, en nous révélant sa nature profonde : une Eglise qui est «une» parce que nous dit Jésus, il n’y a qu’un seul troupeau ; une Eglise «sainte» parce qu’elle est habitée par l’Esprit- Saint, qu’elle nous sanctifie par ses sacrements, et qu’elle nous protège du bandit, de Satan ; une Eglise «catholique» parce qu’elle est ouverte à toutes les brebis égarées ; et enfin une Eglise »apostolique» parce que fondée sur les apôtres autour de Pierre qui en détient les clefs. C’est dans cette bergerie que nous nous familiariserons avec la voix du bon Berger, que nous nous sanctifions, que nous nous préparons à rejoindre un jour les verts pâturages que notre Père du Ciel nous a préparé de toute éternité.
           
I. 24. Cinquième dimanche de Pâques
Ac 6, 1-7 ; 1P 2, 4-9 ; Jn 14, 1-12
*Que votre cœur cesse de se troubler
            De quoi est fait pour les disciples ce trouble du « cœur» ? Avant tout de la crainte du départ de Jésus. Une nouvelle solitude guette  les amis du Christ, dans un monde hostile qui va se retourner contre eux et leur faire payer leur amitié pour le Messie. Le trouble du cœur, c’est la tentation de vivre en «orphelins», la tentation du «chagrin», comme dit encore Jésus (Jn16, 6s). Jésus veut annoncer son départ (sa mort) à ses disciples. Il doit procéder délicatement pour qu’ils ne paniquent pas.
            En réponse à cette crainte des disciples qui est aussi nôtre, Jésus nous appelle à la foi : «Croyez en Dieu ; croyez aussi en moi». C’est donc de la foi spécifiquement chrétienne qu’il s’agira : la foi qui implique une relation vivante et avec Dieu, le Père, et avec Jésus son Fils, ainsi que Jésus l’affirme plus loin :«Personne ne va au Père que par moi» (v.6). Jésus rassure ses disciples que son départ n’est pas une coupure mais le début de la vraie vie ; ce n’est qu’une séparation temporaire. Par la suite, il n’y aura plus de séparation. Il faut faire confiance à Jésus comme on fait confiance à Dieu (parce qu’il est Dieu).
            Jésus passe devant, à travers la mort, et, une fois dans la gloire, «dans la maison du Père», il prépare «un lieu pour nous». La place ne manquera pour personne : il s’en porte garant. Puis il reviendra pour nous prendre avec lui, si bien que nous serons avec lui là où il est, dans la maison de gloire qui est le lieu de rassemblement de la grande famille des enfants de Dieu après la mort.
            Quand viendra-t-il ? Ici, ce sont les Evangiles qui nous répondent, en nous rappelant les trois venues du Ressuscité : d’abord ses apparitions des premiers jours, puis sa venue en gloire, pour nous ressusciter au dernier jour, et entre les deux, sa venue de chaque jour pour faire en nous sa demeure. Chaque jour le Christ vient nous prendre avec lui, et nous nous rapprochons peu à peu du lieu où il est allé.
            Et c’est ici que nous avons notre part à fournir. Nous avons à cheminer, à rester en chemin, et à chercher la route : «Quant au lieu où je vais, ajoute Jésus, vous en savez le chemin». L’unique chemin vers la maison de gloire, vers le Père de la gloire, c’est Jésus lui-même ; et il est à la fois le chemin qui guide et le chemin qui porte. Il est même, paradoxalement, à la fois le chemin qui oriente et le chemin qui fortifie le voyageur, parce que qu’il est, dans le mystère de sa Personne, toute la vérité offerte par Dieu et toute la vie qu’il donne en partage. Il est, aujourd’hui, «le chemin, la vérité, la vie».
            Dès lors, sur ce chemin qu’est le Christ, et par le Christ notre chemin, nous vivons déjà des biens de la maison de gloire ; et pour nous faire presser le pas vers cette demeure de gloire qui nous est préparée, le Christ et le Père viennent à nous pour faire chez nous leur demeure.
            C’est ce mystère de la double demeure, demeure en Dieu, demeure en nous qui a fasciné sainte Elisabeth sur son chemin si court, elle qui disait à Dieu Trinité : «Pacifiez mon âme, faites-en votre ciel, votre demeure aimée et le lieu de votre repos…Ensevelissez-vous en moi, pour que je m’ensevelisse en vous, en attendant d’aller contempler en votre lumière l’abîme de vos grandeurs».

I. 25. Sixième dimanche de Pâques
Ac 8, 5-8.14-17 ; 1P3, 15-18 ; Jn 14, 15-21
Le Père nous donnera un défenseur… :
«A l’heure où Jésus passait de ce monde à son Père…». C’est ainsi que commence l’Evangile de ce 6ème dimanche de Pâques. Ce sont donc les paroles que Jésus prononce avant de quitter ses disciples, paroles qui sonnent comme un testament, paroles qui constituent en fait le Testament spirituel de Jésus. Avant d’entrer dans sa Passion, Jésus livre ainsi sa dernière volonté à ses disciples. On le sait, le testament d’un être cher constitue un trésor à ne pas négliger. Il nous faut donc méditer attentivement ces paroles de Jésus, sa dernière volonté.
            Au moment où Jean rédigeait ces paroles du Seigneur, l’Eglise était confrontée à la persécution. Dans ce contexte où les chrétiens persécutés avaient besoin d’un soutien efficace, Jean présente l’esprit Saint comme un avocat, un défenseur qui va plaider pour les chrétiens. Il le présente comme étant l’esprit de vérité (Cf. Jn 14, 17).Souvent, nous concevons l’esprit saint comme une force qui réalise en nous et à travers nous des faits spectaculaires. Mais aujourd’hui, Jésus nous dit que l’Esprit saint est d’abord un Esprit de vérité. «L’Esprit vous conduira à la vérité tout entière» (Jn 16, 13).
Beaucoup parmi nous sont à la recherche de la vérité. Il y en a qui cherchent la vérité dans les journaux…D’autres la cherchent à la télévision : télécommande à la main, ils zappent d’une chaîne à l’autre, à la recherche de la vérité. D’autres encore dans la rue, en faisant le pied de grue au coin de la rue, en discutant avec les passants pour en savoir un peu plus sur les événements. Enfin, certains cherchent la vérité en se promenant d’une Eglise à une autre, d’une secte à une autre, à la recherche de la vérité.
Selon Jésus, toutes ces démarches que nous entreprenons pour chercher la vérité ne valent rien s’il n’y pas en nous l’esprit de vérité qui introduit le croyant dans la vérité tout entière (Cf. Jn 16, 13). Vérité tout entière, c’est-à-dire, vérité au sens large du mot. En d’autres termes, pour Jésus, la vérité ne se limite pas à la dimension intellectuelle au sens de la doctrine vraie, idéologie vraie, information vraie. La vérité revêt aussi une dimension éthique. Il ne suffit pas de dire la vérité, il faut aussi faire la vérité, il faut être vrai.
Quel prix doit-on payer pour que l’esprit de vérité demeure en nous ? On n’achète pas l’esprit Saint avec de l’argent…C’est une aberration que payer une quelconque somme d’argent pour acheter une «onction» qui ferait demeurer en nous l’Esprit Saint. L’unique condition pour que l’Esprit Saint habite en nous, c’est l’amour (Jn 14, 15-16). Chez Saint Jean, l’amour n’est pas platonique. L’amour c’est servir les autres dans l’abnégation, dans l’oubli de soi, comme Jésus l’a bel et bien illustré la veille de sa Passion, en lavant les pieds de ses Apôtres (Cf. Jn 13, 1-17).

I.26. Dix-septième dimanche ordinaire
1R3, 5.7-12 ; Rm 8, 28-30 ; Mt 13, 44-52
Y aura-t-il la fin du monde ?
            Les paroles sur le Royaume des cieux, commencées depuis le 15ème dimanche ordinaire, s’achèvent aujourd’hui avec la parabole du filet, image symbolique du jugement qui interviendra à la fin des temps. C’est une conclusion qui tire une sonnette d’alarme : le jugement dernier est inévitable. Le filet dont parle la parabole n’épargne aucun poisson, il prend et surprend tout, les bons comme les mauvais poissons. Ainsi sera-t-il à la fin des temps : personne ne saura contourner le jugement dernier. «Mais y aura-t-il vraiment la fin du monde ?», s’interrogent certains. Bien sûr, certains en doutent. D’autres sont plutôt des millénaristes. S’inspirant de l’Apocalypse 20, 1-7, ils attendent la fin du monde au terme d’une période de mille ans.  A la fin de chaque millénaire (millénium), ils sont en alerte, prêts à tout sacrifier, même leur propre vie, pour se préparer à la venue imminente de Jésus.
            Une autre catégorie de chrétiens est constituée de post-millénaristes. Ceux-ci estiment que le «mille ans» dont parle l’Apocalypse 20 est plutôt symbolique. Pour eux, le Christ reviendra, il y aura la fin du monde et le jugement dernier, mais on ne sait quand (cf. Mt 24, 36 ; Mc 14, 32).
            Outre ces données bibliques, il faut signaler que, du point de vue scientifique, il y aura la fin du monde. Il est tout à  fait logique que si le monde n’est pas éternel et qu’il a commencé dans le temps, il devra disparaître un jour. Selon certains astronomes, après 5millions d’années, le Soleil n’aura plus assez d’énergie pour illuminer la terre. Or sans le Soleil la vie devient impossible sur la terre…Toutefois, une question se pose et s’impose : mettre fin au monde, organiser un jugement où certains seront sauvés et les autres condamnés, ne s’oppose-t-il pas à la tendresse, à la miséricorde de Dieu ? Etre miséricordieux c’est compatir à la souffrance des autres. Au nom de cette miséricorde, Dieu compatit au sort des opprimés, des pauvres, des sans voix…Au nom de la miséricorde, «Il rend justice à l’opprimé» (Ps146, 7). La miséricorde de Dieu n’exclut donc pas le jugement qui est le moment propice de rendre justice aux victimes d’injustices.
            Immergés dans nos activités quotidiennes, nous perdons souvent de vue notre destinée ultime. La parabole du filet nous secoue de notre léthargie. Quand bien même les réflexions sur l’eschatologie seraient de plus en plus rares dans les débats des théologiens, quand bien même les concepts tels que le paradis, l’enfer, le ciel seraient de moins en moins présents dans notre vocabulaire quotidien, personne ne devrait perdre de vue notre destinée ultime exprimée dans la parabole du filet et dans d’autres passages des évangiles (Cf. Mt25, 31-46 ; Mc 13, 33-37 ; Lc 19, 11-27).

I. 27. Dix-huitième dimanche ordinaire
Is 55, 1-3 ; Rm 8, 35.37-39 ; Mt 14, 13-21
Parole de Dieu, pain de vie
            Après la mort de Jean Baptiste, assassiné par Hérode Antipas, Jésus se retire en Galilée. Une fois de plus, il se retire à cause de la tyrannie des hérodiens. L’on se rappelle que, à peine né, il dut se retirer en Egypte pour échapper au courroux d’Hérode le Grand, le Père d’Antipas (Cf. Mt 2, 13-14). Mais cette fois-ci, son retrait entraîne, derrière lui, une grande foule (Cf. Mt 14, 13). Les gens qui suivent Jésus dans sa retraite ressemblent à une foule en quête d’un berger. Déçues par la cruauté d’Hérode qui vient de verser abusivement le sang de Jean Baptiste, les foules s’accrochent à celui qu’il considère désormais comme étant leur vrai pasteur, Jésus de Nazareth.
            De la compassion à la générosité. A voir les foules, Jésus fut ému. Une réaction typiquement pastorale, fréquente chez le Christ (Cf. Mt 9, 36 ; 14, 14 ; 15, 32 ; 20, 34 ; Mc 1, 41; 6, 34 ; 8, 2 ; Lc 7, 13). Le verbe splankhnidzomai, employé dans ces passages bibliques, désigne une attitude de compassion profonde. C’est une attitude que Jésus exprime souvent avant d’opérer les miracles. C’est pourquoi, en Mt 14, 14, la compassion de Jésus ne se limite pas au niveau sentimental, émotionnel. Emu, il posera des gestes concrets : la guérison des infirmes (Cf. Mt 14, 14) et la distribution du pain (Mt 14, 16).
            Le pain de la Parole. Le récit de la multiplication des pains revient à six reprises dans les évangiles : deux fois chez Matthieu (14, 13-21 ; 15, 29-39) et Marc (6, 35-44 ; 8, 1-10) ; et une fois dans le troisième (Lc 9, 12-17) et le quatrième évangile (Jn 6, 1-15). C’est autant dire qu’il s’agit là d’un miracle qui avait marqué profondément les apôtres et les premières communautés chrétiennes si bien qu’ils en ont conservé les différents épisodes dans les Ecritures. Tout au long des siècles, ce récit a connu diverses interprétations parmi lesquelles celle de saint Augustin qui assimile les cinq pains à 5 rouleaux de la loi de Moïse, 5 volumes de la parole de dieu ! Cette interprétation peut bien se justifier dans la mesure où selon Jésus lui-même la nourriture de l’homme n’est pas seulement le pain, mais aussi la parole de dieu (Cf. Mt 4, 4).
            En fait, la Parole de Dieu est capable de procurer du pain à l’homme. Dans notre société frappée par une crise multiforme, il convient de noter que ce qui est urgent c’est l’éducation, la formation humaine et chrétienne, mieux encore la révolution des mentalités. C’est à ce niveau que la Parole de Dieu peut jouer un rôle important. La Parole de dieu, bien méditée, bien prêchée et mise en pratique, et mise en pratique, éduque l’homme au travail et lui permet ainsi de gagner son pain quotidien. Le miracle de la multiplication des pains nous invite donc à penser au véritable pain du chrétien, à savoir la parole de Dieu, qui constitue une arme capable de vaincre la pauvreté et la misère dans notre société.

I. 28. Dix –neuvième dimanche ordinaire
1R 19, 9…13 ; Rm 9, 1-5 ; Mt 14, 22-33
La présence permanente de Dieu
            La liturgie de ce dix-neuvième dimanche ordinaire, nous enseigne que pour être fort et nous libérer de tous les doutes qui parfois peuvent nous assaillir, notre foi doit reposer sur Dieu seul en naissant de ce cri de Cœur : « Seigneur sauve-moi» notre foi ne peut nous conduire à une rencontre en vérité avec le seigneur que lorsque nous avons fait sa volonté, que lorsque nous nous sommes purifiés de toutes prétentions à pouvoir nous avancer vers lui en comptant sur nous-mêmes. Les tempêtes susceptibles de mettre en péril notre foi et notre relation avec le Seigneur ne manquent pas dans une vie. La victoire que nous accorde le Seigneur n’est pas dans le fait de marcher sur les eaux des tentations qui nous assaillent mais dans le fait de regarder vers lui, d’aller vers lui. Pierre demande à Jésus non pas de marcher sur la mer mais de venir à lui. Ce qu’il désire plus que tout c’est Jésus. Et précisément, il commence à couler lorsqu’il se met à prêter plus d’attention au vent qu’à la personne du Seigneur. Notre vie est un véritable chemin de foi qui s’approfondir au fur et à mesure que nous nous dépouillons de nous-mêmes.
            La peur, l’absence de courage, constituent un obstacle non négligeable pour une vie de foi et d’amour. Comme les apôtres dans la barque, nous aussi, nous pouvons nous laisser paralyser par la peur, qui nous empêche de voir combien le Christ est proche de nous. Mais il est l’Emmanuel, Dieu avec nous (Is 7, 14), et il est aussi le Dieu de la nature, qui commande aux tempêtes  et à toutes les forces destructrices : ce que dit Adonaï, c’est la paix pour son peuple et ses fidèles…proche est son salut pour qui le craint (Ps 85, 9-10) ; même lorsqu’il semble que nous soyons dans une barque éloignée de la terre de plusieurs stades, harcelée par les vagues, car le vent est contraire (Mt 14, 24) ; il n’est jamais loin de chacun d’entre nous.
            Comme Pierre, il nous faut être prêt à risquer notre sécurité et le souci excessif de notre personne, si nous voulons que notre foi grandisse. Le Christ dit à chacun de nous : viens !(Mt 14, 29). Pour lui répondre et pour nous diriger vers lui ; parfois, nous devons traverser les eaux de la souffrance. Que se passe-t-il alors quand nous sentons la force du vent, quand nous prenons peur et commençons à couler?  Pour surmonter la peur, nous devons suivre l’exemple que Jésus lui-même nous a donné : il gravit la montagne, à l’écart, pour prier (Mt 14, 23). La foi ne saurait grandir sans une pratique régulière de la prière.
            Seigneur , chaque fois que nous nous trouverons  dans la tempête, dans les moments de doute, de souffrance, de solitude…donne-nous de réentendre ta voix qui nous dit : «confiance, c’est moi, n’ayez pas peur».
I. 29. Assomption de la Vierge Marie
Ap11, 19…12, 10 ; 1Co15, 20-27a ; Lc 1, 39-56.
La valorisation de la Vierge Marie
            En ce vingtième dimanche du temps ordinaire, l’Eglise célèbre la solennité de l’Assomption de la Vierge Marie. L’Assomption est un dogme (une vérité fondamentale, incontestable-vérité de foi) qui a été promulgué le 1er novembre 1950. A travers la liturgie de ce jour, l’Eglise nous invite à valoriser la personne de la Vierge Marie pour sa participation à l’œuvre de la Rédemption. L’auguste Mère de Dieu est très unie à son Fils et partage toujours son sort. Il semble donc impossible de voir celle qui a conçu le Christ, l’a enfanté, nourri de son lait, tenu de ses bras et serré sur sa poitrine, séparée de lui après cette vie terrestre.
            On le voit, le liturgie de ce jour confirme cette vérité de foi. L’apôtre des gentils montre avec une clairvoyance digne d’admiration que la mort nous est venue par un seul homme et que c’est par ce dernier que nous vient la résurrection. Or cet homme est né d’une femme. Autant qu’on valorise Jésus de qui vient la résurrection, autant qu’on doit honorer celle qui l’a enfanté. Ce n’est pas tout. Paul ajoute : c’est dans le Christ que tous revivront, mais chacun à son rang : en premier, le Christ ; et ensuite, ceux qui seront au Christ lorsqu’il reviendra (1Co 15, 22). La Vierge Marie n’est pas exemptée de cette catégorie.
            En effet, la péricope évangélique renchérit dans un autre registre de langage le propos de l’apôtre des nations. Marie vient d’apprendre qu’elle sera la mère de vieille cousine est enceinte et qu’elle en est à son sixième mois. On dirait que Marie a déjà oublié la nouvelle qui la concerne pour ne penser qu’à Elisabeth qui a besoin de secours. Arrivée chez elle, Marie la salue, mais c’est en même temps la rencontre des deux enfants, deux cousins. Pendant qu’elle s’adresse à Elisabeth, c’est comme si Jésus saluait son cousin Jean Baptiste. Et ce dernier se met à bouger de joie. Elisabeth est alors envahie par l’esprit Saint qui lui fait reconnaître la mère du Messie. Signalons que depuis son mariage, Elisabeth se sentait rejetée par Dieu et par son entourage parce qu’elle était stérile. Mais voici qu’elle est tombée, non seulement par le fait d’être enceinte, mais surtout par celui de pouvoir accueillir le Messie dans sa maison. Marie, étant la Mère du Sauveur vient visiter le peuple de Dieu par le biais de Zacharie et d’Elisabeth. Voyant Marie venir la visiter, Elisabeth ne résiste pas à la tentation de reconnaître la place importante, mieux le rôle qu’a joué Marie dans l’œuvre du salut. Elle affirme sans ambages :«Tu es bénie entre toutes les femmes, et le fruit de tes entrailles est béni. Comment ai-je ce bonheur que la mère de mon Seigneur vienne jusqu’à moi?» (Lc 1, 42-43).
            Puissions-nous, en ce jour de la solennité de la Vierge Marie, reconnaître le rôle qu’elle a joué dans l’œuvre de la Rédemption et l’honorer pour autant qu’elle a été préservée du péché originel.

I. 30. Vingt et unième dimanche ordinaire
Is 22, 19-23 ; Rm 11, 33-36 ; Mt 16, 13-20

La papauté : un don de Jésus à l’Eglise
            La parole de Jésus conférant les clés du Royaume des cieux à Pierre a attiré un oracle d’Isaïe où le prophète annonce la destitution d’un premier ministre et la promotion à sa place d’un certain Elyaqin : Je mettrai la clé de la maison de David sur ton épaule…
            Cette métaphore évoque les cités antiques, entourées de remparts. Qui possédait les clés  des portes avait la garde mais aussi la responsabilité de la ville. On sait qu’à Jérusalem, une famille musulmane possède, depuis le départ des Croisés (début 1300), les clés de la porte d’entrée de la basilique du saint-Sépulcre. Tous les matins l’ouverture se fait selon un rituel minutieux.
            Les expressions et les images de style araméen utilisées par Jésus relatives aux futurs pouvoirs de Pierre (lier et délier), laissent comprendre clairement que Pierre sera le fondement de l’Eglise, le lieutenant de Jésus, celui qui aura la plénitude des pouvoirs dans le domaine doctrinal et moral.
            Tout le Nouveau Testament atteste à l’évidence que Pierre a traduit en actes concrets le sens de ces paroles, et que les autres apôtres lui ont reconnu ce pastorat suprême sur l’Eglise. La collégialité existera, mais Pierre, assisté de l’Esprit Saint, n’hésitera pas à prendre des décisions capitales pour l’Eglise, comme le remplacement de Judas (Ac 1, 15-26) et l’entrée du premier païen (Ac 10, 1-48).
Dans son évolution, l’Eglise est toujours la même.  Partant de cette affirmation, l’Eglise de Benoît XVI est-elle celle de Jésus ? Non, si on veut y voir une nouveauté absolue créée par le dernier concile du Vatican II. Non encore, si on prétend trouver dans l’Eglise du XXI ème Siècle, avec ses rouages administratifs et son collège des cardinaux, la même Eglise du premier siècle. N’est-il pas étrange d’entendre des chrétiens qui voudraient que l’Eglise soit comme la pierre noire de la Kaaba, un bloc tombé du ciel et demeure intact ? Jésus a comparé l’Eglise à une semence qui devient un arbre. Quelle diff♪0rence entre le noyau d’une mangue et le manguier ?
Pour être identique à la religion de Jésus, l’Eglise catholique n’a pas plus besoin de reproduire exactement la forme littérale de l’Evangile car il n’est pas un code de bonne conduite ; il est un esprit qui oriente une manière de vivre. Un homme adulte ne peut pas être le même au moment de sa naissance avec ses  traits et sa manière d’être. Quand on veut s’assurer de l’identité d’un individu, on ne songe pas à le faire rentrer dans le berceau.
            L’Eglise de Benoît XVI (actuel successeur de Pierre) est donc dans la pensée de Jésus, comme le manguier est dans le noyau, l’homme dans l’enfant. Le pape est un grand don que Jésus a fait à toute l’Eglise : don de l’autorité comme la voit et la veut Jésus.

I.31. Vingt et deuxième dimanche ordinaire
Jr 20, 7-9 ; Rm 12, 1-2 ; Mt 16, 21-27

I. 31. 1. Se laisser séduire par Dieu 
La première lecture est un fragment autobiographique de Jérémie : il fait partie de ce que les critiques appellent les confessions de Jérémie, le premier du genre dans l’histoire de la littérature religieuse. Plus qu’un libre choix, la vocation fut pour ce prophète une duperie, presque un abus de la part de Dieu :«Tu m’as séduit, Seigneur, et je me suis laissé séduire».Jamais encore prophète n’avait osé s’adresser ainsi à Dieu. Il était à l’affût dans son village natal et pistait ce jeune homme de famille sacerdotale, doux et timide, mais violent comme les sensibles. Dieu l’a saisi, l’a cueilli, l’a séduit! A sa première objection : je ne suis qu’un enfant, je ne sais pas parler, Dieu s’était engagé à la protéger, à l’assister, à mettre sa parole dans sa bouche. Il lui avait même dit qu’il en ferait un mur de bronze. Et voilà qu’il l’a laissé tomber.
Lorsque la crise atteint son paroxysme, Jérémie parle d’abandonner sa vocation, et il en vient, en bon oriental désabusé, à maudire sa vie! Mais la voix et le feu de l’esprit sont encore plus forts que tout. Le problème de la vocation est un mystère de foi et de confiance en Dieu. C’est à de durs combats que Dieu nous appelle. Laissons-nous brûler  par sa parole!

I. 31.2. Renoncer à sa vie pour suivre Jésus
            Dans l’Evangile, Jésus nous invite à le suivre sur le chemin de la souffrance. Seuls les disciples, et non les foules, ont reconnu en Jésus le Messie promis par Dieu. Pourtant ils se font  une fausse idée : selon eux, il doit triomphe avec puissance de tous les obstacles pour libérer son peuple du péché et de l’occupation romaine. Jésus heurte de front cette mentalité quand il annonce ses souffrances et sa mort. Pierre s’y oppose. Il veut barrer à Jésus le chemin de la croix, et Jésus reconnaît là le même esprit qui l’a tenté dans le désert et le repousse violemment comme il le fit pour Satan.
            Il faut renoncer à soi-même comme Abraham qui, déjà vieux, part pour un pays étranger. Comme Moïse qui accepte la charge d’un peuple difficile à gouverner. Comme Marie qui entre dans un chemin unique que personne ne pourra jamais la comprendre ou l’aider. Si Jésus nous invite à prendre le même chemin de la croix ce n’est pas pour nous faire souffrir, mais parce que la vraie joie passe à travers nos sacrifices quotidiens en famille, dans le travail, dans la société. Le chrétien fait les choses les plus ordinaires avec un esprit extraordinaire.
            Si quelqu’un veut sauver sa vie, dit Jésus, la perdra. Tous ceux qui mettent leur bonheur dans les richesses, le plaisir, dans la gloire humaine et dans le succès, à la fin de leur vie se retrouveront les mains vides.

I. 32. Méditation sur la généalogie de Jésus selon Mt 1, 1-17
            Cette généalogie, placée par Matthieu au tout début de son Evangile, veut nous expliquer le sens de la première ligne de cet Evangile. Jésus le Christ est bien Fils de David et Fils d’Abraham, membre du peuple de l’Alliance et de la Promesse.
 Cette généalogie nous livre un triple message : d’abord, elle situe Jésus en relation avec l’histoire d’Israël qui l’a précédé ; ensuite, elle nous montre que toute cette histoire d’Israël culmine en Jésus ; enfin, elle assure à l’Eglise l’héritage de la généalogie que les apôtres et les disciples de Jésus ont mis en place après sa résurrection en lui conférant son identité de peuple de Dieu.
En effet, d’Abraham à Jésus, nous voyons se dérouler 3 fois 14 générations. En analysant les valeurs numériques (selon leur place dans l’alphabet hébreu) des 3 consonnes du nom de David d’où («Dalet, waw →Dawid») on obtient 4+6+4, soit un total de «14», et quand l’on constate que Dawid est justement situé à la 14ème place dans la liste généalogique, ainsi que mentionné au début et à la fin de cette page, on est amené à conclure que le nom de David est la «clef» qui structure cet ensemble de Mt 1, 2-17.
La généalogie de Matthieu a des particuliers dans ce genre littéraire où on a coutume de nommer que des hommes ; elle comprend 5 femmes. Et pas n’importe quelles femmes!  On se serait étendu à trouver des dames prestigieuses, matriarches telles que Sarah ou Rebecca, de héroïnes comme Déborah ou Judith. Rien de tel. Il y a d’abord Thamar (v3). D’elle, la Bible parle en Gn 38. Elle était la bru de Juda, qui avait 3 fils. Tamar fut mariée à l’aîné puis  au 2ème. Elle les avait vus mourir tous les deux. La loi obligeait son beau père à la donner en mariage au 3ème, pour qu’elle ait une descendance. Mais celui-ci s’y opposa ; il ne voulut pas voir mourir ce dernier (le 3ème fils). Thamar, alors vraisemblablement une femme d’origine païenne usa de subterfuge. Elle se déguisa en prostituée, se fit accoster par le beau-père qui ne la reconnut pas et obtint ainsi de lui la descendance à laquelle elle avait droit.  Sombre histoire. Thamar est la 1ère ancêtre nommée de Jésus. Puis Matthieu mentionne Rahab (v5a). De celle-là, la Bible  parle en Josué 2 et 6.
D’origine païenne, elle aussi, elle exerçait la prostitution à Jéricho, le plus vieux métier du monde. Païenne et de bon cœur, vivant de l’exercice de la sexualité, Rahab est la 2ème ancêtre nommée de Jésus. Suit le nom d’une autre femme, Ruth (v. 5b). De celle-ci, la Bible parle dans les livres qui portent son nom. Païenne elle aussi, elle était de pays de Moab. Elle avait épousé le fils d’un couple originaire de Bethléem. Après la mort de son mari et de son beau-père, elle prit la décision de suivre sa belle-mère. Arrivé là, veuve et sans enfants, ne voulant être à charge de personne, elle entreprit de se trouver un mari. Païenne, attachée à sa belle-mère, démunie mais pleine de ressource et n’hésitant pas à se servir de sa sexualité pour assurer son avenir. Ruth est la 3ème ancêtre nommée de Jésus.
La 4ème femme n’est pas nommée dans la généalogie (v. 6b). La Bible parle d’elle et la nomme en 2S11-12. Cette Bethsabée était la femme vraisemblablement  d’origine païenne, d’un général de David ; Ourias le hittite que David avait fait tué au front pour prendre sa femme. Païenne, victime innocente de la violence sexuelle du roi David, Bethsabée est la 4ème ancêtre nommée de Jésus.
La dernière femme est Marie. Elle donne naissance à Jésus (v.16). Comme l’explique Matthieu, Marie devint enceinte alors par l’action du saint-esprit alors qu’elle était juridiquement fiancée à Joseph. L’ange de Dieu va inviter Joseph à prendre avec lui Marie, son épouse, puis à adopter l’enfant de Marie et en le nommant Jésus et en l’insérant ainsi dans sa généalogie.
En faisant entrer ces 5 femmes dans les généalogies de jésus, l’objectif de Matthieu est clair. Il voulait montrer que, tout en étant inséré dans une lignée propre au Messie d’Israël, le Nazaréen avait vécu en continuité avec ce qu’avaient vécu plusieurs de ses ancêtres. A lire cette suite de noms, on comprend la qualité de relations de Jésus avec les femmes qu’il avait rencontrées, la prédilection du Règne de Dieu pour les rejetés ;"les collecteurs d’impôts et les prostituées entreront avant vous dans le Royaume de Dieu" (Mt 21, 31) ; et aussi son ouverture aux païens.
Bien aimés de Dieu dans le Christ, il est impossible de comprendre Jésus et de devenir  à son tour homme ou femme de compassion si on ne reconnaît pas les meurtrissures qui marquent l’histoire de sa famille et sa propre histoire.


[1] Roger WAWA, Des mots pour guérir les maux, Kinshasa, Médiaspaul, ………    p. 17-18.
[2] Cf. ANNALES D’ISSOUDUN, «Petites béatitudes» in Revue Prier, déc. 1982, p. …..
[3] Cf. Roger WAWA, Op. cit.,, p. 39-40.
[4] St THOMAS D’Aquin Somme théologique III q.45, a.4, ad2.